Des groupes environnementaux, trois partis d’opposition et les Premières Nations dénoncent tous l’appui d’Ottawa pour financer les futurs réacteurs nucléaires

Des groupes environnementaux, trois partis d’opposition et les Premières Nations dénoncent tous l’appui d’Ottawa pour financer les futurs réacteurs nucléaires

OTTAWA, le 18 novembre 2020 – Des groupes de partout au Canada ont dénoncé ce matin la décision du gouvernement fédéral de financer la mise au point de petits réacteurs nucléaires modulaires (PRM) encore expérimentaux. Ottawa devrait plutôt investir dans les énergies renouvelables et dans l’efficacité énergétique qui sont bien plus utiles pour régler la crise climatique, disent-ils.

Le ministre canadien des Ressources naturelles, Seamus O’Regan, lance aujourd’hui le « Plan d’action gouvernemental sur les petits réacteurs nucléaires modulaires » dans le cadre d’une conférence virtuelle de la Société nucléaire canadienne. Ce plan gouvernemental prévoit subventionner des sociétés privées (la plupart basées aux USA ou au Royaume-Uni) pour les aider à construire les prototypes de ces nouveaux réacteurs nucléaires.

Des douzaines d’organisations, d’un océan à l’autre, soutiennent que ces futurs réacteurs nucléaires ne sont qu’une « distraction polluante et dangereuse » qui est inefficace contre la crise climatique. Parmi ces organisations il y a Greenpeace Canada, les Amis de la Terre Canada, le Ralliement contre la pollution radioactive, Équiterre, la Coalition for Responsible Energy Development in New Brunswick et le Regroupement pour la surveillance du nucléaire.

Le Bloc québécois, le NPD et le Parti vert ont aussi dénoncé ce plan d’action du gouvernement sur les petits réacteurs nucléaires modulaires. En décembre 2018, une Assemblée spéciale des chefs de l’Assemblée des Premières Nations avait adopté à l’unanimité une résolution demandant « que le gouvernement du Canada cesse de financer et d’appuyer le programme des petits réacteurs nucléaires modulaires » (Résolution 62).

Dans un communiqué diffusé le 13 novembre par la députée Monique Pauzé, le Bloc Québécois a dénoncé « l’intention d’Ottawa d’investir dans l’énergie nucléaire au profit –encore– d’une filière industrielle ontarienne plutôt que de financer la transition vers l’électricité propre. Le Bloc demande l’abandon du déploiement prévu de petits réacteurs nucléaires modulaires. Le fédéral conduit le Canada vers un mur en misant sur le nucléaire comme forme d’énergie propre, ce qu’il n’est absolument pas. »

Le porte-parole du NPD en matière de ressources naturelles, Richard Cannings, a déclaré dans un communiqué :

« Plusieurs Canadiens sont préoccupés des répercussions néfastes de l’énergie nucléaire. En ce qui concerne la production d’énergie, il existe d’autres voies à privilégier. Nous disposons d’options plus sûres et moins coûteuses qui seront prêtes à utiliser plus rapidement. Je pense que nous devrions appuyer le développement de solutions de stockage d’énergie pour favoriser la généralisation d’énergies renouvelables telles que le solaire et l’éolien. »

Le 10 novembre, les trois membres du caucus du Parti vert du Canada ont publié une déclaration et signé une lettre adressée au ministre O’Regan et au ministre Navdeep Bains disant que : «Les petits réacteurs nucléaires modulaires n’ont pas leur place dans un plan visant à atténuer les changements climatiques alors qu’il existe déjà des solutions plus propres et moins coûteuses. Le gouvernement fédéral doit cesser de financer l’industrie nucléaire et rediriger ses investissements vers des solutions plus intelligentes. Le nucléaire échoue à divers égards, notamment sur le plan économique. »

La professeure Susan O’Donnell de la Coalition for Responsible Energy Development in New Brunswick affirme que : « La construction de nouveaux réacteurs nucléaires ne devrait pas faire partie d’un plan d’action contre le réchauffement climatique. Des chercheurs émérites ont démontré qu’investir dans l’énergie renouvelable est la meilleure façon d’atteindre zéro émission et qu’ajouter l’énergie nucléaire dans l’ensemble de solutions nuit plutôt que d’améliorer. »

Selon Shawn-Patrick Stensil, directeur des programmes à Greenpeace Canada, « le gouvernement libéral jette son argent par la fenêtre. On nous répète depuis quarante ans que les hypothétiques nouvelles technologies nucléaires vont tout régler et cela ne s’est jamais produit, malgré des subventions publiques massives. »

Les réacteurs qu’on nous propose sont encore sur la planche à dessin et il faudra au moins une décennie pour les mettre au point. Si on les construit, leur électricité coûtera dix fois plus cher que l’énergie éolienne ou solaire. Le projet de petits réacteurs nucléaires modulaires le plus avancé à ce jour, aux États-Unis, a vu doubler son coût, passant de 3 milliards de dollars à plus de 6 milliards de dollars.

Le gouvernement fédéral a annoncé une première subvention pour les petits réacteurs nucléaires modulaires de 20 millions de dollars à Terrestrial Energy le 15 octobre dernier.

Les députés et les groupes environnementaux sont choqués de voir le gouvernement financer un nouveau développement de l’énergie nucléaire sans examen parlementaire, tout en essayant d’éviter l’examen et le débat publics. Ils ont qualifié de « simulacre » la consultation qui a précédé le Plan d’action des PRM. Les individus et les groupes ne pouvaient commenter le plan que s’ils souscrivaient d’abord à une déclaration de principes soutenant les technologies des petits réacteurs nucléaires modulaires.

L’énergie nucléaire et les mines d’uranium seront toujours polluantes et dangereuses. Les déchets radioactifs devront être isolés de la biosphère pour des milliers d’années, et il n’y a aucune façon connue de le faire en pratique.


Fiche d’information

L’investissement du Canada dans les « petits réacteurs modulaires » :

Un détournement de la crise climatique ! 

L’enjeu

Ottawa veut investir des dizaines de millions $ dans la conception de nouveaux réacteurs nucléaires. Le discours du Trône du gouvernement Trudeau et les annonces du ministre des Ressources naturelles, Seamus O’Regan, présentent ces « petits réacteurs modulaires » (PRM) comme une source d’énergie « propre » et une solution à la crise climatique.  Une trentaine d’organismes de toutes les régions du Canada ont aussitôt reproché au gouvernement fédéral de miser sur des réacteurs nucléaires théoriques, qui n’ont pas fait leurs preuves. 

Ces futurs réacteurs nucléaires auraient une puissance électrique très variable (entre 1 et 300 mégawatts). On prévoit les utiliser dans des communautés coupées du réseau électrique et pour alimenter des projets industriels comme les mines du Cercle de Feu de l’Ontario ou les sables bitumineux de l’Alberta.

Selon l’ONU, il nous reste à peine 10 ans pour maîtriser la crise climatique et nos gaz à effet de serre. Cette fenêtre se sera refermée avant que nous ayons un premier réacteur modulaire, au début des années 2030. Les PRM ne sont qu’une distraction par rapport au travail urgent qu’exige la crise climatique.

Le problème

  1. Trop coûteux pour être viables

Une fois de plus, l’industrie nucléaire nous fait miroiter une production d’énergie bon marché mais il y a peu d’indices qui laissent croire à une percée majeure des PRM, à cause de leurs délais de mise en œuvre, de leurs difficultés économiques et de la disponibilité d’énergies renouvelables à bas prix, disent les experts internationaux. Le coût de l’énergie nucléaire a augmenté de moitié depuis cinq ans, tandis que les énergies renouvelables devenaient moins chères que toute autre forme d‘énergie. L’industrie nucléaire prétend que les PRM seront économiques parce qu’ils seront assemblés à partir de modules standardisés produits en série dans des usines.  Mais pour être viables, il faudrait les produire à des centaines ou même à des milliers d’exemplaires. Cela, alors qu’une cinquantaine de modèles différents se font compétition dans le monde. Au moins cinq d’entre eux sont présentement à l’étude au Canada. Et même avec une production en grande série, les études indiquent que le coût des PRM sera au moins dix fois plus élevé que les alternatives hybrides de production d’énergie (vent et batteries, par exemple).

Pire encore, on a constaté que le nucléaire et les énergies renouvelables « ne se mélangent pas » ; les investissements massifs dans l’énergie nucléaire nous détournent des énergies renouvelables qui procureraient des bénéfices climatiques bien plus substantiels et plus immédiats.

  1. Des accidents toujours possibles

Comme toute autre installation nucléaire, les PRM peuvent subir des accidents graves qui provoqueront une contamination généralisée et à long terme. Dans le cas d’un réacteur à haute température refroidi au gaz par exemple (un HTGR, le type de PRM dont l’examen a le plus progressé auprès de la Commission canadienne de sûreté nucléaire), il suffirait que de l’eau ou l’air pénètre dans le cœur du réacteur pour déclencher un accident grave qui libérerait des matières radioactives dans notre environnement. Les rares réacteurs de ce type qui ont été construits dans le passé ont tous connu de mauvaises performances et des problèmes persistants. D’autres modèles de PRM nous obligeraient à « retraiter » le combustible irradié des centrales actuelles afin de fabriquer le nouveau combustible dont ils auront besoin. Le retraitement du vieux combustible extrêmement radioactif a provoqué une contamination environnementale généralisée dans tous les pays qui ont tenté l’aventure. L’histoire nous enseigne qu’en matière de sécurité, on ne peut pas accepter les promesses de l’industrie les yeux fermés. Les accidents sont toujours possibles.

  1. Une énergie sale et des déchets durables 

L’urgence de l’action climatique ne doit pas faire oublier les risques environnementaux, sanitaires et de prolifération atomique qui accompagnent les PRM ni les fardeaux qu’ils imposent aux générations futures. C’est pourquoi l’Union Européenne a exclu l’énergie nucléaire de son plan de relance post-COVID. C’est une question éthique : les déchets des PRM seront plus radioactifs que ceux des réacteurs actuels et même les modèles de PRM qui devraient « brûler » les déchets radioactifs actuels produiront en fin de compte des déchets radioactifs encore plus toxiques. Il n’est ni équitable ni durable de confier la surveillance et la responsabilité de nos déchets radioactifs aux générations futures. Après 50 ans de production d’énergie nucléaire au Canada, l’industrie nucléaire nous demande d’attendre encore des décennies avant d’avoir un premier site d’entreposage permanent pour nos déchets radioactifs. Et encore, leur projet actuel n’a pas été conçu pour recevoir les déchets inédits des PRM, comme le futur HTGR en Ontario. 

  1. Un combustible qui peut servir à fabriquer des armes atomiques

Tous les modèles de petits réacteurs nucléaires utiliseraient du combustible enrichi, contrairement à notre parc de réacteurs CANDU. Certains PRM nous obligeraient à récupérer le plutonium présent dans le vieux combustible CANDU irradié. Il sera bien plus facile de fabriquer des bombes atomiques avec ce plutonium ou avec ce combustible enrichi que ce ne l’est avec le combustible actuel des réacteurs CANDU qui n’est ni enrichi ni retraité. La construction de PRM dans les régions sauvages et isolées nous obligerait à transporter des cargaisons radioactives sur toutes le routes et les chemins de fer du pays. Cela crée un risque de prolifération inédit puisque le combustible riche en plutonium pourrait être détourné à des fins malveillantes. Il faudra assurer une sécurité militaire pour le transport et l’entreposage du combustible et des déchets. Cela pourrait restreindre les libertés civiles des Canadiens qui vivent près d’un PRM. 

  1. Une exception à la Loi sur l’évaluation d’impact 

Contrairement aux parcs éoliens et solaires qui doivent faire l’objet d’évaluations environnementales fédérales ou provinciales, les petits réacteurs nucléaires échappent à la loi canadienne sur l’évaluation d’impact parce que leur puissance sera généralement inférieure au seuil de 200 MW prévu à la loi. Les évaluations environnementales nous obligent à « regarder avant de sauter » et à tenir d’abord un débat public sur les impacts écologiques, socioéconomiques et culturels d’un projet. Au contraire, les audiences publiques de la Commission canadienne de sûreté nucléaire ont une perspective plus étroite et ne permettent pas au public d’être informé et consulté de manière aussi significative avant la décision finale. L’exclusion des petits réacteurs nucléaires de la Loi sur l’évaluation d’impact empêche le public et les peuples autochtones d’examiner la nécessité d’un projet, son objectif et les solutions de rechange possibles. 

La solution

Les petits réacteurs modulaires nous offrent trop peu, trop tard, avec trop de risques. 

Au lieu d’investir dans les PRM, le Canada doit investir dans les énergies renouvelables :

elles sont acceptables, rentables et déjà disponibles, aujourd’hui.

Cette fiche d’information a été élaborée en novembre 2020 par un réseau canadien d’organisations citoyennes. L’adaptation française a été faite par le Ralliement contre la pollution radioactive.
Pour plus d’informations, communiquez avec la Canadian Environmental Law Association :
https://cela.ca


Source: Lire l'article complet de Mondialisation.ca

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