Au Canada, le soutien mesuré et ambigu de Justin Trudeau à la France

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Le premier ministre canadien a fait part de sa solidarité après l’attaque de Nice, mais était resté longtemps silencieux après la mort du professeur Samuel Paty. 

Quelques heures seulement après l’attaque terroriste au couteau ayant fait trois morts à Nice, Justin Trudeau a tenu à faire part de la solidarité du Canada envers le peuple français. « Nous condamnons absolument ces attentats terroristes haineux inacceptables. Il n’y a absolument rien qui justifie cette violence », a-t-il dit, jeudi 29 octobre, en marge d’une réunion virtuelle avec des représentants de l’Union européenne. Une réaction rapide qui tranche avec le long silence observé par les autorités canadiennes après l’attentat qui a coûté la vie le 16 octobre au professeur d’histoire-géographie Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Le premier ministre canadien avait attendu onze jours avant de sortir de son silence.

Interrogé le mardi 27 octobre lors d’une conférence de presse normalement consacrée au Covid-19, Justin Trudeau déclarait : « La décapitation, le meurtre de Samuel Paty est absolument inacceptable et injustifiable. Et nous nous joignons à tout le monde en condamnant cet acte et en restant solidaires avec nos amis et alliés en France. » Mais le premier ministre avait immédiatement assorti sa condamnation de « cet attentat terroriste haineux » d’une mise en garde : « Mais en même temps, nous sommes aussi dans une situation où les tensions s’enflamment à la rhétorique, et nous nous devons d’être à l’écoute et de travailler dans le calme pour empêcher un accroissement des tensions dans le monde. » 

Il annonçait vouloir se saisir de l’occasion pour aller à la rencontre des responsables mondiaux et canadiens de la communauté musulmane pour « comprendre leurs inquiétudes et travailler à réduire ces tensions ». Justin Trudeau avait refusé de dire si cette seconde réflexion constituait une critique d’Emmanuel Macron et de son plaidoyer en faveur de la liberté d’expression réitéré lors de son hommage à Samuel Paty, mais après l’attaque perpétrée à Nice, il a ajouté : « Nous nous devons de reconnaître que ces criminels, ces terroristes, ces meurtriers, ne représentent d’aucune façon l’islam ou les gens musulmans. » 

« Deux poids, deux mesures » 

André Lamoureux, professeur de science politique à l’université du Québec à Montréal, juge « complaisantes » les déclarations du premier ministre, qui s’est bien gardé de prononcer le mot « islamiste » dans sa condamnation des attentats. Il y voit une illustration de la politique du « deux poids, deux mesures » menée par le chef du gouvernement. 

Un chef de gouvernement capable de s’agenouiller pendant huit minutes pour rendre hommage à George Floyd, cet homme noir tué au printemps par un policier blanc aux Etats-Unis, mais incapable de nommer l’idéologie responsable de la mort d’un professeur français ou de condamner la fureur déclenchée dans une partie du monde musulman par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, contre la France.

« Toute critique d’une religion est étrangère à sa conception du multiculturalisme, Justin Trudeau considère même la laïcité, cette voix singulière portée par la France mais aussi par le Québec, comme facteur de xénophobie, de ségrégation et d’islamophobie. Sa religion à lui, c’est le multiculturalisme, et elle l’empêche de faire la distinction entre islam et islamisme », explique André Lamoureux. En 2017, la député Iqra Khalid, appartenant au Parti libéral de Justin Trudeau, avait d’ailleurs fait adopter une motion à la Chambre des communes pour condamner « l’islamophobie et toutes les formes de racisme et de discriminations religieuses systémiques », avec l’objectif affiché d’interdire toute critique de l’islam.

Prendre le parti des « minorités » 

Le premier ministre canadien est porteur de cet attachement très anglo-saxon au droit sacré à la différence et à la liberté de croyance, dans ce pays où les signes identitaires religieux sont largement acceptés, où des chefs de parti (celui du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh) et des ministres sikhs (celui de la défense, Harjit Sajjan) sont porteurs du turban et où des femmes voilées sont élues dans des Assemblées législatives provinciales. Une conception du vivre-ensemble qui le pousse invariablement à prendre le parti des « minorités », victimes selon lui d’un « racisme systémique » dont le Canada doit apprendre à se défaire. 

Dans une affaire qui secoue le pays depuis près d’un mois, où une professeure de l’université d’Ottawa a été suspendue temporairement pour avoir prononcé le mot « nègre » afin d’en dénoncer la charge raciste, en lieu et place de la circonvolution de langage en vigueur, « le mot en n », Justin Trudeau a pris fait et cause en faveur des étudiants qui s’étaient sentis offensés par un tel usage, et non en faveur de la liberté d’enseigner réclamée par une partie du corps universitaire.

Justin Trudeau a refusé de faire le parallèle entre l’attentat qui a coûté la vie au professeur français et cette polémique canadienne. Mais il a explicité vendredi sa vision de la liberté d’expression : « C’est une valeur et un principe fondamental pour toute société libre (…). Mais la liberté d’expression n’est pas sans limite. On n’a pas le droit, par exemple, de crier au feu dans un cinéma bondé de monde (…). Nous devons toujours être conscients de l’impact de nos mots, de nos gestes sur d’autres, particulièrement sur ces communautés qui vivent énormément de discrimination », a déclaré le premier ministre canadien. 

 

Hélène Jouan

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