Le moment d'entrer dans la danse ? MAJ

Le moment d'entrer dans la danse ?   MAJ

Ca devait finir par arriver… Un hélicoptère russe Mi-24 a été abattu, par erreur, au-dessus du territoire arménien par les forces azéries. Bakou a très vite reconnu sa culpabilité dans ce « tragique accident », s’est excusé et a offert de payer une compensation.

Evidemment, les Turco-azéris craignent comme la peste que l’ours n’entre dans la danse alors qu’ils ont réussi à approcher Chouchi voire (les rapports sont contradictoires) à la prendre, au prix tout de même de très grosses pertes et, accessoirement, d’un amusant «détalage» lapinesque.

Il y a quatre jours, nous écrivions déjà que la crédibilité russe était en jeu :

Cela commence à poser un sérieux problème au Kremlin en terme d’image. Si le traité de défense liant Moscou et Erevan ne concerne que l’Arménie stricto sensu et non le Nagorno Karabagh, c’est maintenant une région historiquement arménienne qui est attaquée et non quelques territoires tampon à peu près déserts.

Le prestige croissant dont a bénéficié la Russie ces dernières semaines en Arménie risque de retomber au fil de l’avance turco-azérie dans le cœur de cette terre si passionnément revendiquée par les Arméniens. Et, malgré sa neutralité, elle ne gagnera aucun crédit en Azerbaïdjan qui n’a pour l’instant d’yeux que pour ses chers ottomans…

Les mauvaises langues commencent déjà à murmurer que Poutine a une nouvelle fois été «trop gentil» avec le sultan, même si le Kremlin est en réalité prisonnier de son respect des traités et du droit international dans cette affaire inextricable.

Malgré les salamalecs expiatoires de Bakou, l’incident d’aujourd’hui rend encore plus aigüe la position inconfortable de Moscou. Bombardements occasionnels sur l’Arménie alors qu’elle est membre de l’OTSC (certes, les Arméniens font pareil de l’autre côté), F16 et conseillers turcs en Azerbaïdjan alors que le traité de la Caspienne signé il y a deux ans y interdit théoriquement toute présence militaire étrangère, modérément modérés importés de Syrie, maintenant l’hélicoptère… L’ours est sérieusement testé, par celui-là même à qui il vend son S-400, et risque de perdre sa crédibilité dans le Caucase s’il ne réagit pas à ce qui peut être vu comme une suite de provocations subtiles.

Ce serait d’ailleurs le moment idéal. Quelques bombardements bien sentis sur les Azéro-barbus ? On imagine que l’armée russe ne rêve que de cela mais, comme en Syrie après l’incident de l’Iliouchine, Poutine risque de se montrer pusillanime. Il est pour l’instant resté silencieux et, en ce moment même, les couloirs du Kremlin doivent être le témoin d’allées et venues fébriles.

Une offensive diplomatique plus robuste sifflant la fin de la partie dans le Haut Karabagh ? Pas impossible, d’autant que la meurtrière approche sur Chouchi a montré à Bakou et Ankara que les choses seront bien plus compliquées que la promenade militaire envisagée initialement.

A suivre…

*** MAJ ***

Le moins que l’on puisse dire est que la suite a été rapide ! Un cessez-le-feu a été signé par l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Russie.

L’Arménie rétrocède à Bakou les districts azéris (notamment les stratégiques Kalbajar et Lachin) autour du Haut-Karabagh, dont le sort n’est pas fixé, relié à la mère patrie par un corridor de cinq kilomètres sécurisé par 2 000 soldats de la paix russes (et vraisemblablement turcs).

Pachinyan a parlé d’accord « douloureux » et des manifestations de colère ont immédiatement éclaté à Erevan. La carrière du vrai-faux «révolutionnaire coloré» semble d’ors et déjà terminée…

Le fait que cet accord ait été accepté aujourd’hui n’est peut-être pas un hasard. Moscou a-t-il tapé du poing sur la table (nous parlions de «diplomatie robuste» plus haut) après l’incident de l’hélicoptère ? Le missile tombé sur Bakou était-il un avertissement russe (peu probable tout de même) ou le fait d’un général arménien jusque-boutiste ? Beaucoup de questions et peu de réponses.

Toujours est-il que, si l’ours a enfin réussi à mettre fin à cette guerre dans son pré carré et montré qu’on ne rigole pas avec l’OTSC, son image en a pris un coup dans le Caucase. Le symbole est assez désastreux : le jour même où les Turco-azéris tuent des soldats russes, ils proclament aussi la victoire sur l’Arménie et des soldats de la paix ottomans s’introduisent dans la chasse gardée de Moscou.

Nul doute que l’incompréhensible mollesse de Poutine vis-à-vis du sultan redeviendra un thème de conversation dans les jours à venir…

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À propos de l'auteur Chroniques du Grand Jeu

« La géopolitique autrement, pour mieux la comprendre... »Présent à l'esprit de tout dirigeant anglo-saxon ou russe, le concept de Grand jeu est étonnamment méconnu en France. C'est pourtant lui qui explique une bonne part des événements géopolitiques de la planète. Crise ukrainienne, 11 septembre, tracé des pipelines, guerre de Tchétchénie, développement des BRICS, invasion de l'Irak, partenariat oriental de l'UE, guerre d'Afghanistan, extension de l'OTAN, conflit syrien, crises du gaz, guerre de Géorgie... tous ces événements se rattachent directement ou indirectement au Grand jeu. Il ne faut certes pas compter sur les médias grand public pour décrypter l'état du monde ; les journaux honnêtes font preuve d'une méconnaissance crasse, les malhonnêtes désinforment sciemment. Ces humbles chroniques ont pour but d'y remédier. Le ton y est souvent désinvolte, parfois mordant. Mais derrière la façade visant à familiariser avec la chose géopolitique, l'information est solide, étayée, référencée. Le lecteur qui visite ce site pour la première fois est fortement invité à d'abord lire Qu'est-ce que le Grand jeu ? qui lui donnera la base théorique lui permettant de comprendre les enjeux de l’actuelle partie d’échecs mondiale.Par Observatus geopoliticusTags associés : amerique latine, asie centrale, caucase, chine, economie, etats-unis, europe, extreme-orient, gaz, histoire, moyen-orient, petrole, russie, sous-continent indien, ukraine

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