BAPE et tramway de Québec : Une analyse et un rapport décalés

La lecture attentive du surprenant rapport des commissaires Gendron, Morissette et Renaud n’a pas permis à Vivre en Ville de saisir clairement les raisons des réserves formulées par les commissaires quant au projet sur lequel ils ont reçu le mandat de tenir une audience publique. Les commissaires n’ébranlent pas la conviction de l’organisation que le tramway est le bon mode pour la colonne vertébrale du futur réseau de transport en commun de Québec.

La remise en question par les commissaires du projet, et tout particulièrement du choix du tramway, n’est pas justifiée par un argumentaire clair. Elle va à l’encontre de l’appui massif de la majorité des experts et des citoyens qu’ils ont entendus. Selon Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville, « il n’y a rien, dans ce rapport, qui fasse une démonstration solide que le tramway n’est pas adapté à Québec. On fait davantage face à des opinions qu’à des faits vérifiables ».

Vivre en Ville tient à réitérer sa confiance envers le BAPE, tout en constatant que cette institution n’est pas infaillible.

 

Un tracé qui répond à un maximum de besoins

Le plus surprenant dans le rapport est le reproche, fait à la Ville, d’avoir choisi un tracé dont l’achalandage justifie le choix du tramway.

« La commission d’enquête constate que l’initiateur justifie le choix du tramway sur la base d’une prévision d’achalandage à l’heure de pointe du matin aux pôles Sainte-Foy et Saint-Roch qui dépasserait la capacité d’un SRB, mais qui résulte d’un tracé et d’une stratégie de rabattement ayant précisément pour but de maximiser l’achalandage. » (Rapport 356, p. 183)

« Les commissaires s’étonnent que la Ville ait choisi de faire passer le parcours le plus structurant de son réseau là où il y a le plus de demande. Le but du transport collectif, c’est pourtant bien de permettre à des gens d’atteindre leur destination », rappelle Christian Savard.

Pour Vivre en Ville, le choix d’un tracé qui dessert les principaux générateurs de déplacements, ainsi que les principaux corridors de développement urbain, est tout à fait conforme aux meilleures pratiques. « C’est très exactement l’approche que nous recommandons dans notre publication Retisser la ville, après documentation de plusieurs études de cas à l’international », indique Christian Savard.

Le rapport des commissaires apparaît ici en décalage avec les besoins identifiés.

Un projet qui permettra d’augmenter considérablement l’achalandage du transport collectif

Les commissaires semblent douter de la capacité du tramway à attirer de nouveaux usagers. De l’avis de Vivre en Ville, ce qui est à craindre, ce n’est pas que le projet soit surdimensionné, mais plutôt qu’il se révèle trop rapidement saturé. « Le projet est bien fait, et les projets bien faits dépassent souvent les attentes, rappelle Christian Savard. »

Les commissaires semblent aussi avoir mal compris une des règles de la planification des transports, qui est qu’il est plus facile de faire des gains dans les milieux déjà favorables à la mobilité durable que des dans des milieux dépendants de la voiture. Leur rapport suggère une approche de saupoudrage des investissements en vue d’une supposée meilleure desserte régionale, au détriment de la construction d’un réseau structurant.

Cette vision ne tient tout simplement pas la route et révèle une méconnaissance de la planification des transports de la part des commissaires.

L’analyse des commissaires apparaît ici en décalage avec les principes de planification.

 

Un projet adapté à Québec

Bien que la documentation disponible en fasse abondamment mention, le rapport des commissaires ne souligne pas que les caractéristiques de Québec sont bien adaptées à un mode comme le tramway. Pourtant, les professionnels de la Ville tout comme les experts indépendants, comme Vivre en Ville, ont souligné à plusieurs reprises que la taille de la population de Québec, la densité de ses secteurs centraux, son organisation territoriale étaient similaires à plusieurs villes comparables qui ont implanté avec succès un tramway.

« Comme Vivre en Ville le soulignait dans son mémoire présenté au BAPE, le projet est très bien adapté à la région de Québec. Il dessert les milieux denses, là où le potentiel de transfert modal est fort. Il s’arrime à de nombreux parcours qui irriguent une bonne part de la région. Et il prévoit des parcobus pour capter les résidents des secteurs plus éloignés ou moins bien desservis. Le projet doit encore être amélioré, mais on sent qu’il a atteint une certaine maturité », estime Christian Savard.

Alors que la commission du BAPE n’a eu que quelques mois pour comprendre les tenants et aboutissants du projet, cela fait plus de 15 ans que la région de Québec y réfléchit. Ainsi, l’avis des commissaires selon lequel le projet de tramway « ne permettrait pas à lui seul d’atteindre tous les objectifs de mobilité durable » n’est une surprise pour personne. Le tramway a toujours été présenté comme la colonne vertébrale d’un large réseau qui multipliera les parcours structurants, mais aussi de la desserte locale et une offre de mobilité active et partagée complémentaire avec le transport collectif.

Cette vision globale se reflète notamment dans les plans successifs de développement des services du Réseau de transport de la Capitale, qui comportent tous des éléments variés adaptés aux caractéristiques des divers secteurs desservis. Vivre en Ville recommande d’ailleurs de mieux mettre de l’avant, dans les communications sur le projet de tramway, son insertion dans une vision globale.

Le rapport des commissaires apparaît ici en décalage avec les réalités régionales.

 

Un projet soutenu par une majorité de citoyens et d’experts

Dans le rapport, les nombreuses voix qui se sont exprimées en faveur du projet se voient accorder peu de place, les commissaires se limitant à mentionner que les appuis aux projets proviennent d’acteurs divers. Pourtant, selon l’analyse quantitative des opinions présentées lors des audiences qu’a réalisée l’organisme Trajectoire, le projet a reçu un appui massif. Sur les 69 organismes qui ont déposé un mémoire, 78% sont favorables au projet, soit un appui extrêmement clair de la part des experts et de la société civile. Parmi les citoyens, on trouve cinq fois plus de personnes en appui au tramway qu’à un autre mode.

De plus, les commissaires citent à plusieurs reprises des acteurs sur des éléments marginaux de leur prise de parole, en omettant de souligner leur appui général au projet. « Dans un mandat d’audience publique, refléter clairement et fidèlement les opinions présentées, c’est la base. Que des commissaires sélectionnent, dans chaque témoignage, des arguments à l’appui de la thèse soutenue par le rapport, sans faire état du positionnement principal de l’acteur, c’est troublant », relève Christian Savard.

Le rapport des commissaires apparaît ici en décalage avec l’opinion des participants.

Prochaine étape: aller de l’avant et améliorer le projet

Vivre en Ville renouvelle son appui au projet de tramway et appelle le gouvernement du Québec à confirmer rapidement son soutien afin d’évacuer toute incertitude. Pour Christian Savard, « Le tramway de Québec s’inscrit parfaitement dans les objectifs d’électrification des transports et de relance verte du gouvernement. Sur ce point, nous sommes d’accord avec les commissaires: le gouvernement doit confirmer son soutien et maintenir son engagement financier. »

Considérant que le projet entre dans une phase d’amélioration, Vivre en Ville a aussi formulé des recommandations pour en faire le projet des 50 prochaines années, parmi lesquelles:

  • allouer le budget nécessaire et éviter d’encarcaner le projet dans un budget hâtivement fixé;
  • prolonger de 650 mètres le tunnel dans la basse-ville pour doubler, en surface, la capacité du transport collectif et permettre des liaisons directes entre la banlieue et le centre-ville;
  • mettre en place une stratégie précise pour canaliser la croissance démographique dans les secteurs desservis par le tramway.

« Les commissaires ne présentent pas d’objection au projet de tramway à laquelle il n’ait déjà été répondu maintes fois, rappelle Christian Savard. On en revient toujours au même besoin : celui d’un axe structurant desservant les principaux générateurs de déplacement. Ne nous laissons pas ralentir par une analyse de la situation décalée et en retard d’une bonne dizaine d’années. Allons de l’avant pour construire la ville de demain. »

 

À propos de Vivre en Ville

Organisation d’intérêt public, Vivre en Ville contribue, partout au Québec, au développement de collectivités viables, œuvrant tant à l’échelle du bâtiment qu’à celles de la rue, du quartier et de l’agglomération. Par ses actions, Vivre en Ville stimule l’innovation et accompagne les décideurs, les professionnels et les citoyens dans le développement de milieux de vie de qualité, prospères et favorables au bien-être de chacun, dans la recherche de l’intérêt collectif et le respect de la capacité des écosystèmes. 

 

www.vivreenville.org

 

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