J’ai fait un rêve : le peuple renversait les lapins crétins au pouvoir en France — Dominique MUSELET

J’ai fait un rêve : le peuple renversait les lapins crétins au pouvoir en France — Dominique MUSELET

Je me suis réveillée profondément secouée par ce rêve impie.

J’ai d’abord ressenti une profonde culpabilité

C’est normal, c’est le Premier Sentiment. Cela nous est enseigné, au sein, par notre mère la Secte des MacroMacron, la secte dont on ne prononce plus le nom (DONPPLN). C’est le ciment sur lequel est bâti notre admirable et unique dictocratie républicaine. La Secte, qui nous donne la vie, est sacrée. Elle est d’essence laïque et vierge, et sa roi (le roi est devenu féminin, sur décision de l’Académie des défunts immortels, comme le Premier Virus, le Virus fondateur, le Virus qui nous a fait ce que nous sommes, LA glorieuse COVID-19) se reproduit par parthénogénèse, un peu comme la vierge Marie qui était, selon les occultes occultrices, la cheffe de la Secte disparue des MacroPhilip, brouillonne, despotique et terre à terre, qui guidait nos malheureux ancêtres.

Il ne viendrait à l’idée d’aucune Servante de la Secte de douter de Son immanence, de Sa transcendance, de Son infaillibilité et encore moins de Son essentialité. Que ferions-nous sans Elle ? Qui nous protègerait contre les virus, les terroristes, la liberté, les produits non essentiels, les petits commerces, les adversaires de la liberté d’expression, les fanatiques de toutes sortes qui veulent détruire nos valeurs, et j’en passe ? Franchement je ne comprends pas comment j’ai pu faire un rêve pareil ! Honte à moi ! J’ai dû consommer hier quelque produit non-essentiel introduit dans nos cyberhypers par des terroristes interstellaires qui veulent détruire notre remarquable dictocratie républicaine stérilisée…

Ensuite j’ai ressenti de la peur

C’est normal, c’est le Deuxième Sentiment. Dans mon effroi, j’ai perdu la tête et j’ai enlevé le masque inutile-obligatoire qui nous couvre aussi les yeux, maintenant, car on n’arrête pas le progrès, pour scruter les ténèbres. La lumière électrique est un besoin non-essentiel et nous serions condamnés pour haute trahison, si nous l’allumions. Elle est réservée aux seuls AAS, les cooptés au mérite de l’Admirable Aristocratie sectaire. Nous, nous ne pouvons utiliser l’électricité que pour s’esclavaciper (pour les incultes qui ne le savent pas, c’est un néologisme forgé, en l’an 1 de l’ère du Grand Virus, à partir des mots esclavage et émanciper par notre géniale Académie pour remplacer les concepts flous et désuets d’emploi, travail et métier – par ordre d’ancienneté).

Je m’attendais à voir, auprès de mon lit, les éveillés des Légions de Santé virtuelle (LVSV). Mon cauchemar séditieux aurait dû les alerter et leurs hologrammes auraient dû m’apparaître. Inquiète, je me suis demandé si la nouvelle puce recyclable qu’on nous avait injectée la veille, avec le 10ème vaccin contre le Virus Eternel, la Puce-Futée qui lit dans nos pensées, fonctionnait bien. Encore une pensée impie dont je me suis immédiatement repentie, car depuis que la Secte dont on ne prononce plus le nom (DONPPLN) nous guide vers le bonheur laïc et stérile, plus rien ne tombe en panne, tout fonctionne à merveille comme nous l’enseigne, au sein, notre mère la Secte (DONPPLN).

Enfin, j’ai regretté ma faute et j’ai fait amende honorable

C’est normal, c’est le Troisième Sentiment. Le plus beau des trois car il se traduit par un acte concret, des aveux, qui font les délices des Cybermédias.

La journée commence bien décidément. J’ai ressenti les Trois Sentiments, et j’ai deux actes impies à avouer. Mon Cybermédiasuperviseur va être content de moi. Je bois rapidement un café essentiel en attendant que ma table digitale soit allumée par mon universitélectronique. J’étudie l’histoire ancienne. C’est pour moi un grand honneur d’avoir été choisie pour ces études, car cela montre que la Secte a confiance en moi et sait que rien de ce que je peux voir ou entendre n’entamera ma conviction que tout est parfait ici-bas, dans le meilleur des mondes, grâce à MacroMacron et à l’Admirable Aristocratie sectaire (AAS).

L’an 1 de l’ère du Grand Virus

En l’an 1 de notre ère, l’ère du Grand Virus, le monde s’est métamorphosé. Nous le devons à l’immense découverte du Grand Scientiste le docteur Knock, qui a prouvé que nous étions tous malades. Nous avons alors été isolés et installés dans des chambres aseptiques et nous ne quittons plus le lit. Ce n’est pas un problème, la secte a financé, avec nos dons, les Hypermonopoles qui ont mis au point toutes les technologies nécessaires pour que nous n’ayons plus à rencontrer personne et que nous soyons occupé toute la journée. Nous avons des robots pour tout, de la cuisine des produits essentiels, à la gymnastique essentielle, en passant par les huiles essentielles. En échange, nous nous esclavacipons de notre mieux, 18 heures par jour.

Rien ne nous manque, et certainement pas nos semblables, qui sont un danger pour nous. Comme je l’ai dit, la roi se reproduit à volonté par parthénogénèse, ce qui nous évite de mortelles interactions et permet de contrôler le nombre des habitants, un nombre qui demeure secret pour des raisons de sécurité.

Comme nous le savons tous, l’éducation nationale a été supprimée à la grande satisfaction de toute la population. C’était une institution obsolète et largement décriée tant par les élèves qui s’y ennuyaient ferme car elle ne répondait à aucun de leurs besoins profonds, que par les enseignants qui n’étaient pas payés, que par l’Admirable Aristocratie sectaire (AAS) parce qu’elle entrait en compétition avec les Cybermédias notamment en ce qui concernait la Pensée Unique. Aujourd’hui les Cybermédias ont le monopole de la Pensée Unique et de l’éducation, et la paix règne.

En ce moment, notre cours porte sur les personnalités qui ont critiqué l’ancienne secte des MacroCastex, aussi connue sous le nom de secte de lapins crétins (d’où peut-être mon rêve). J’ai eu beaucoup de mal à comprendre ce que le mot critique voulait dire, car nous n’avons plus rien de tel aujourd’hui. Nous sommes trop évolués pour perdre notre temps et notre énergie à critiquer ceux qui font notre bonheur, au lieu de leur obéir avec joie.

Emmanuel Todd et Albert Dupontel, deux visionnaires

J’étudie plus précisément deux personnages tout à fait étonnants, le sociologue Emmanuel Todd et le cinéaste Albert Dupontel. Ils n’étaient pas du tout appréciés par la secte de leur temps, la secte des lapins crétins. En plus d’être des esprits libres, ouverts, non conformistes et courageux, car ils bravaient la Pensée unique, très puissante à leur époque, ils avaient ce qu’on appelait alors le sens de l’humour, c’est-à-dire, une manière de tourner gentiment en dérision les autres et soi-même, qu’un auteur malheureusement oublié a défini comme « la politesse du désespoir ». Même si nous n’avons plus besoin aujourd’hui d’aucune des qualités qu’ils déployaient car nous n’avons plus aucun motif de désaccord, et encore moins de désespoir, nous les admirons parce qu’ils étaient visionnaires comme l’est notre MacroMacron. Ils ont pressenti que leur époque allait droit dans le mur. Tout ce qu’ils ont écrit et dit, s’est révélé entièrement vrai.

J’ai retrouvé des vieux enregistrements d’interviews qu’ils avaient donnés, à la fin de l’ère précédente, au moment où les sectes européennes de l’époque avaient expérimenté de manière fort malhabile et artisanale la méthode du confinement pour contrôler leurs populations et faire passer toute l’économie aux mains de l’hypercapitalisme financier, comme on appelait à l’époque les hypermonopoles. Dans un document rare, j’ai retrouvé une anecdote surprenante. Il paraîtrait que la secte au pouvoir, la secte des lapins crétins, avait obligé les petits commerces de centre-ville à fermer pour laisser toute la place aux supermarchés. Il y avait en effet, à l’époque, des villes aves des centres animés où les habitants se retrouvaient pour faire les magasins, boire un café, aller au restaurant, au concert, au cinéma, bref de vrais nids à microbes. Puis, devant les protestations des commerçants et de certains maires (pas beaucoup, les maires n’étaient pas très courageux), ils avaient alors décidé d’interdire aux supermarchés de vendre ce que vendaient les petits commerces qu’ils avaient fermés, de sorte qu’on ne pouvait plus acheter nulle part de livres, de cahiers, de crayons, d’enveloppes, ni rien d’autre que de la nourriture. Les lapins crétins n’avaient rien trouvé de mieux, pour résoudre un problème, que d’en ajouter un autre, un peu comme Gribouille, le simplet des romans de l’antique Comtesse de Ségur, se jetait dans la mare pour ne pas être mouillé par la pluie !

Pour en revenir à nos deux héros, le dernier livre connu d’Emmanuel Todd s’intitulait Les luttes de classe en France au XXIe siècle. Il n’est pas facile à déchiffrer pour nous, car il y parle de quantités de choses qui n’existent plus aujourd’hui comme la lutte des classes, l’Euro, l’Union Européenne, les électeurs, les structures familiales et les différents systèmes politiques qu’elles produiraient.

Mais ce qui nous intéresse ici, c’est que Todd avait compris la responsabilité de l’aristocratie stato-financière de son époque dans la violence qui montait et cela ne le rendait pas très optimiste : « L’appareil d’Etat (l’appareil médiatique en un sens) » s’est autonomisé, il « est hors-contrôle, hors d’atteinte des citoyens, des électeurs … Le déni de réalité, l’impunité, l’irresponsabilité … tout cela fait monter le niveau de violence, fabrique un monde de violence ».

Quant à Albert Dupontel, dans son dernier film connu, Adieu les cons, il a, selon un critique, tenté de rappeler à la population zombifiée de son époque, « que ce que nous vivons est la conséquence de nos « coronies » humaines. Une forme de suicide collectif. Au final très réussie ». Réussie, car le film était à la fois profond, drôle et touchant.

Dupontel, lorsqu’il reprenait son sérieux, était à peine plus optimiste que son film : « Adieu les cons, c’est adieu à nous-mêmes, adieu à cette façon de vivre, adieu à ces paradigmes d’économie libérale dévastatrice, voilà, on est cons, mais on le sait, donc on peut réagir, j’espère ! »

MacroMacron le sauveur

C’est à ce moment précis, au moment où l’humanité, enfin, l’Europe de l’ouest, s’apprêtait à sauter dans le gouffre dans une espèce de suicide collectif, que MacroMacron, masqué de blanc, est arrivé sur son cheval blanc, pour nous sauver, comme Zorro, sauf que lui était en noir. MacroMacron a conquis les cœurs et les esprits avec une idée simple et efficace : fermons tout et enfermons-nous tout seul chez nous. Rasons l’ancien monde et ouvrons une Nouvelle ère qui aura pour nom : l’ère sanitaire.

Les foules, bien formées par les Cybermédias, l’ont acclamé, la secte MacroMacron s’est installée à l’Elysée et, tous les soirs à 20h, du fond de notre lit, dont nous n’avons plus jamais besoin de sortir par la grâce de la glorieuse COVID-19, nous crions tous en chœur : Gloire soit rendue à MacroMacron notre sauveur !

»» https://www.salaireavie.fr/post/j-ai-fait-un-r%C3%AAve-le-peuple-renve…

Let’s block ads! (Why?)

Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You