«Chu pas raciste, mais…»

«Chu pas raciste, mais…»

Généralement, ce qui vient après ce «mais» est inintéressant, parfois même choquant. C’est pas mal la même chose dans le cas de ces «J’suis pour la liberté d’expression, mais…».

Le sang de Samuel Paty n’a pas fini de sécher, le procès Charlie est toujours en cours, qu’importe, #Trudeau s’attaque à la liberté d’expression, justifiant ainsi le pire.

Sa soumission est inscrite dans l’Histoire.

Ni oubli ni pardon. https://t.co/iW7YStkLTU

— Rachel Binhas (@RachelBinhas) October 31, 2020

Une déclaration lourde de sens

Il y a parfois de ces silences qui sont plus significatifs que les mots. Aussi, le long silence du premier ministre du Canada à la suite de la décapitation de l’enseignant Samuel Paty en France par un islamiste a été vivement remarqué. Et commenté.

Dix longs jours se sont écoulés avant que Justin Trudeau ne réagisse à cet attentat. Et il ne l’a fait qu’après y avoir été contraint par une motion du Bloc québécois.

Puis il y a eu l’attentat de Nice. Et cette fois, le premier ministre du Canada a réagi rapidement. Une réaction décevante, voire inquiétante (lire le texte de mon collègue Antoine Robitaille).

Justin Trudeau is the latest prominent figure to take the predictable line of: «I believe in freedom of speech, BUT…»

He claims that disrespect causes «injury». It doesn’t. That would be guns and knives wielded by unreconstructed religious fanatics.https://t.co/EO5Rbh6R5k

— Andrew Doyle (@andrewdoyle_com) October 31, 2020

Le PM du Canada est pour la liberté d’expression, MAIS…

Dans un texte très critique de la réaction du M. Trudeau à ce qui se passe en France, la journaliste Hélène Jouan du quotidien Le Monde avance que le soutien de Justin Trudeau est «mesuré et ambigu».

La journaliste explique:

«Interrogé le mardi 27 octobre lors d’une conférence de presse normalement consacrée à la COVID-19, Justin Trudeau déclarait: “La décapitation, le meurtre de Samuel Paty est absolument inacceptable et injustifiable. Et nous nous joignons à tout le monde en condamnant cet acte et en restant solidaires avec nos amis et alliés en France.”»

Mais le premier ministre avait immédiatement assorti sa condamnation de «cet attentat terroriste haineux» d’une mise en garde: «Mais en même temps, nous sommes aussi dans une situation où les tensions s’enflamment à la rhétorique, et nous nous devons d’être à l’écoute et de travailler dans le calme pour empêcher un accroissement des tensions dans le monde.»

Un appui timide à la liberté d’expression, lequel est bien encadré par une mise en garde lourde de sens. La journaliste a tendu le micro au professeur de sciences politiques de l’UQAM André Lamoureux, afin de recadrer la réaction du premier ministre du Canada:

«André Lamoureux juge “complaisantes” les déclarations du premier ministre, qui s’est bien gardé de prononcer le mot “islamiste” dans sa condamnation des attentats. Il y voit une illustration de la politique du “deux poids, deux mesures” menée par le chef du gouvernement.

Un chef de gouvernement capable de s’agenouiller pendant huit minutes pour rendre hommage à George Floyd — cet homme noir tué au printemps par un policier blanc aux États-Unis —, mais incapable de nommer l’idéologie responsable de la mort d’un professeur français […].»

«Toute critique d’une religion est étrangère à sa conception du multiculturalisme; Justin Trudeau considère même la laïcité, cette voix singulière portée par la France, mais aussi par le Québec, comme un facteur de xénophobie, de ségrégation et d’islamophobie. Sa religion à lui, c’est le multiculturalisme, et elle l’empêche de faire la distinction entre islam et islamisme», explique André Lamoureux.

En 2017, la députée Iqra Khalid, appartenant au Parti libéral de Justin Trudeau, avait d’ailleurs fait adopter une motion à la Chambre des communes pour condamner «l’islamophobie et toutes les formes de racisme et de discriminations religieuses systémiques», avec l’objectif affiché d’interdire toute critique de l’islam.

«Les Canadiens doivent soutenir Macron, même si Trudeau refuse de le faire»

La semaine dernière, dans le Globe and Mail, le chroniqueur Konrad Yakabuski en appelait à la solidarité envers les Français et leur président, «même si Justin Trudeau refuse de le faire».

Le chroniqueur explique en quoi il n’existe pas de demi-mesure quand il est question d’appuyer la liberté d’expression. Selon lui, tant le premier ministre que le ministre des Affaires extérieures François-Philippe Champagne ont choisi leur camp; et ce n’est PAS celui de la liberté d’expression:

«Malheureusement pour M. Trudeau, il n’y a pas de demi-mesure dans ce débat. S’il ne soutient pas M. Macron pour défendre la liberté d’expression, c’est donc dire qu’il se tient automatiquement aux côtés de M. Erdogan en tant qu’apologiste des extrémistes islamistes. Et sa tournée de rencontres n’y changera rien.»

Plus loin, Yakabuski recadre le débat à l’aune des récents événements au Canada qui ont forcé la population et les politiciens à se questionner sur la liberté d’expression:

«Les caricatures représentant le prophète Mahomet n’étaient pas du tout respectueuses. Et disons-le, c’était précisément l’intention. Aucune religion n’est à l’abri des caricaturistes et de leur satyre. Et Dieu merci pour cela.

Le droit à la liberté d’expression ne fait aucun sens s’il est soumis à des conditions comme le «respect». La Constitution protège la liberté d’expression précisément parce qu’un discours qui est significatif est souvent controversé. Il appartient aux tribunaux de déterminer ce qui constitue un discours haineux en vertu de l’article 319 du Code criminel. Mais la barre est, ici, heureusement élevée. Et c’est la démocratie qui en dépend.

C’est la deuxième fois en quelques semaines que le gouvernement de M. Trudeau choisit de bafouer la Charte au nom de la rectitude politique. Après la suspension d’un professeur de l’Université d’Ottawa pour avoir utilisé le mot en «N» dans le cadre d’un cours universitaire en ligne, M. Trudeau et la vice-première ministre Chrystia Freeland ont fait des déclarations banales sur la lutte contre le racisme systémique, plutôt que de défendre la liberté académique. C’était une échappatoire facile de leur part.»

Les mots que M. Trudeau – et ceux qui logent à la même chapelle idéologique que lui – emploie ou refuse de dire sont très significatifs. Et ils procèdent de l’adhésion à une vision du monde où la liberté d’expression se conjugue en fonction de certaines susceptibilités que les plus extrémistes ont appris à exploiter.

Et pour défendre cette vision du monde, cette idéologie, on notera que quelques plumes ont tendance à faire porter aux caricaturistes et aux enseignants qui traitent des limites de la liberté d’expression – ou qui s’en prévalent – le poids des actions des terroristes islamistes et autres radicalisés.

Voilà. Ils l’ont bien cherché…

Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec

À propos de l'auteur Vigile.Québec

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