La petite province et les Premières Nations

La mort de Joyce Echaquan nous remet en visage la petitesse dont fait preuve le Québec dans ses relations avec les peuples qui occupent « son territoire ». Les propos racistes, dégueulasses et négligents du personnel impliqué de l’hôpital de Joliette ne sont que la pointe de la montagne que l’on aperçoit à l’horizon. Plus on avance, plus on voit que la pente est raide et imposante.  

Le premier ministre Legault, dans les jours suivant l’horrible drame, ne s’est pourtant pas retenu de faire de la petite politique. Directement même sur le dos de Ghislain Picard, citoyen dévoué et représentant légitime de tout instant à la noble cause des siens et du Québec. Pire, le premier ministre s’est refusé d’admettre qu’il y avait racisme systémique à l’endroit des Premières nations au Québec, ne voulant pas jouer sur les mots et embarquer dans un débat états-unien. Un peu comme il l’a si malhabilement fait en marge du mouvement social s’étant institué autour de la mort de Georges Floyd. Si les études sociologiques abondent au sujet des questions de discrimination et de racisme, les référents conceptuels aussi. Entre le racisme individuel ou institutionnel, culturel, systématique, universaliste, différentialiste, d’infériorisation et systémique (et j’en passe), les différentes manières de nommer ces phénomènes d’une grave violence ne manquent pas. Ce qu’il manque, ce sont des gestes concrets et l’admission des torts collectifs.

Objectif réconciliation

François Legault, s’il y a une chose dont on ne peut l’accuser, c’est d’avoir fait campagne électorale sur le thème de la réconciliation, et de ne pas respecter ses engagements. Ce n’était pas du tout dans ses priorités ni son agenda. Ni même prévoyait-il la gestion d’une pandémie mondiale. Et quoiqu’en disent plusieurs, cela semble pourtant désormais être au cœur des priorités gouvernementales.

Tout le monde sait que les propos tenus à l’endroit de madame Echaquan sur son lit de mort auraient pu l’être contre des travailleuses du sexe, itinérants, assistées sociaux ou autres personnes marginalisées à tort par la société. On sait aussi que nous ne sommes pas au premier exemple de mauvais traitements dans nos hôpitaux. Ce qui donne des frissons dans le dos, c’est que dans le cas qui nous occupe, les autorités ne pouvaient être ignorantes de l’enjeu de traitement différencié alors que de nombreuses plaintes avaient déjà été portées à l’endroit du personnel hospitalier de Joliette. Pire, ces manquements ont été rapportés par Me Elassal le 28 septembre 2018 à la représente du CISSS de Lanaudière lors d’auditions de la Commission Viens. On a affaire à une culture qui produit du racisme, certains individus proprement racistes ET des institutions qui s’en lavent les mains depuis des années. Dans le cas des Premières nations, personne ne devrait être surpris. Tristement.

Aux problèmes les solutions, aux objectifs les cibles et indicateurs. Telle semble être la logique gouvernementale actuelle. Plusieurs recommandations du Rapport de la Commission Viens seraient ainsi bientôt mises en œuvre. On promet des investissements non récurrents de quelque 400 M$ pour y arriver… Mais ça tarde déjà, et cette logique issue du management public prendra des années avant de porter ses fruits. Que le premier ministre utilise ses minutes télé qu’il semble apprécier si particulièrement. Qu’il explique aux Québécoises et Québécois comment la société a depuis des années mis à part les Premières nations, et comment les partis politiques qui se sont succédés, dont le sien, n’ont pas pris assez au sérieux la question. Qu’il présente les recommandations qu’il souhaite mettre en œuvre et explique comment il entend améliorer la situation. Mais comme sur beaucoup d’enjeux récemment, la transparence semble loin dans le rétroviseur gouvernemental.

Les peuples du Québec

S’il y a bien un peuple québécois. Il y a aussi des peuples et communautés qui vivent sur la même terre, mais qui ont des réalités souvent différentes. Abénaquis, Algonquins, Attikameks, Cris, Hurons-Wendats, Innus, Inuits, Malécites, Micmacs, Mohawks et Naskapis partagent avec nous le territoire. Si l’homme est perfectible, qu’il sorte alors de la steppe et aspire à mieux; si les Québécois se sont donné les moyens économiques de s’affranchir et le socle d’une langue pour se délier. Il en est maintenant, d’hier et de demain tout autant pour nos frères et sœurs autochtones et inuits.

Les rudiments de certaines langues autochtones devraient être enseignés dans les écoles primaires québécoises. Dans les régions où l’on côtoie de près des communautés autochtones, comme sur la Côte-Nord, dans Lanaudière ou bien le nord du Québec, ce devrait faire partie intégrale du parcours scolaire. C’est une question de respect, de fierté et d’amour du territoire et de ses gens.

En fait, on n’apprend pas non plus l’histoire de nos régions, des cultures qui l’habitent et le composent, sinon qu’une vague histoire nationale débridée dans nos écoles. Par l’éducation nous pourrions faire tellement mieux.

La bonne excuse du fédéral

Arrêtons de faire l’autruche et attendre d’Ottawa quelconques changements constitutionnels, retrait de la Loi sur les Indiens ou meilleurs comportements. Des communautés souffrent et sont défavorisées un peu partout sur le territoire de la province. Le Québec a les moyens de mieux accompagner les citoyens issus des Premières nations vivants hors réserves, offrir des services publics de qualité et parfaire la qualité de la formation de ses fonctionnaires.

Si c’est la juridiction fédérale qui l’emmerde au point de ne pas agir et doter les Premières nations de réels outils de développements à l’intérieur de leurs territoires (actuellement des réserves s’entend-on), qu’il fasse l’indépendance du Québec. Et il n’y aura pas de meilleurs alliés qu’en eux si l’autodétermination et le respect mutuel sont vraiment ce que nous recherchons.

La révolution qui a transformé le Québec a beau avoir été tranquille, il en faudra une radicale si l’État du Québec aspire vraiment à mieux pour les populations qui peuplent ses montagnes et vallées. « Redonner la fierté et les moyens » aux Québécois, ça passe aussi par la réconciliation des peuples qui cohabitent et s’y entre-aident depuis déjà plusieurs centenaires. Ça passe par arrêter de penser en petite province prisonnière de ses compétences constitutionnelles et incapacités. Ça passe par reconnaître ses torts et bévues historiques. Ça passe par le rêve d’une meilleure société et la transformation de nos institutions. Ça passe par une ministre qu’on voit et entend. Soyons audacieux.  

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