Réseaux sociaux et jobs à la con

Réseaux sociaux et jobs à la con

Je suis convaincu que la prolifération des jobs à la con, couplée à la bullshitisation croissante des vrais boulots, est le principal vecteur de l’essor des réseaux sociaux. On l’a vu, les conditions d’exercice des jobs à la con varient énormément selon les cas; certains employés sont surveillés sans relâche; d’autres doivent effectuer quelques tâches symboliques, mais à part ça, on leur fiche plus ou moins la paix; la plupart se situent entre ces deux extrêmes. Pourtant, même dans les situations les plus avantageuses, il faut rester sur ses gardes et dépenser un minimum d’énergie pour jeter des coups d’œil par-dessus son épaule, faire illusion, ne pas paraître trop absorbé, maintenir sa collaboration avec ses collègues dans des limites raisonnables. Tout cela crée un type de disponibilité intellectuelle qui convient davantage aux jeux en ligne, aux chaînes YouTube, aux mèmes et aux polémiques qui fleurissent sur la twittosphère, que, mettons, aux groupes de rock psychédélique, à la poésie sous acide ou au théâtre expérimental né au milieu du XXe siècle, à l’âge d’or de l’État-providence. On assiste donc à un essor de ces formes de culture populaire que les employés de bureau peuvent produire et consommer dans le temps émietté dont ils disposent sur ces lieux de travail où, même quand ils n’ont rien à faire, ils n’ont pas le droit de le reconnaître.

— David Graeber, Bullshit Jobs

Merci! Nous vous envoyons de ce pas un message de confirmation!

Let’s block ads! (Why?)

Source: Lire l'article complet de Antipresse

À propos de l'auteur Antipresse

« Chaque dimanche, un antidote à l'idiotie ambiante. »L’Antipresse est née de notre sentiment d’étouffement et de désarroi face à l’appauvrissement constant de l’information des médias de grand public, au relâchement de leur langue et de leur style, à leur incohérence intellectuelle, à leur parti pris devenu structurel, à leur éloignement préoccupant de la réalité vécue par la plupart des gens.Lire le Manifeste d'AntipresseLa presse à l’endroit. Chaque dimanche matin à 7h, l’Antipresse envoie son Drone combattre les idées reçues médiatiques.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You