Première visite du Chef de la diplomatie russe à Damas depuis huit ans

Première visite du Chef de la diplomatie russe à Damas depuis huit ans

Très peu de temps après l’arrivée à Damas du vice Premier ministre russe Youri Borisov, c’est Sergeï Lavrov, le Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie qui s’y pointe. Un signe fort puisque c’est la première fois depuis huit ans qu’un Chef de la diplomatie russe visite ce pays ravagé par une guerre hybride de haute intensité depuis 2011 et où les forces russes y sont engagées depuis 2015. Officiellement, la délégation russe discuterait avec le gouvernement syrien les moyens d’élaborer une coopération économique specifique afin de contrer les dures sanctions occidentales frappant la Syrie.

En réalité, il s’agit d’un changement de stratégie visant à garantir une stabilité relative du front levantin pour focaliser sur la situation qui se détériore au Belarus et dans les pays Baltes. Moscou ne veut assurément lâcher aucun front dans ce qui s’apparente à une guerre mondiale hybride pas aussi froide que ne le pensent la majorité des observateurs. La dernière démonstration de force des B-52H près de la Crimée était un appât en source ouverte pour l’une des opérations de collecte de signal (SIGINT) les plus importantes jamais conduite par les États-Unis et la Grande-Bretagne durant les vingt dernières années près des défenses aériennes russes. Le maître mot est donc la stabilisation du front comme cela s’est passé au Donbass avec en prime, des contre-mesures fiables à la très féroce guerre économique et monétaire visant la Syrie après l’échec total de la contre-guerre monétaire iranienne durant la période 2014-2017.

Mais le volet de la guerre économique et monétaire n’est pas le seul point discuté par Lavrov et son homologue syrien Al-Mouallam et le Président Bashar Al-Assad. D’après des sources syrienne, il serait question d’une nouvelle stratégie asymétrique prenant en compte le changement de fond des postures régionales et un nouvel équilibrage de la balance stratégique. Pour Damas, le Liban n’existe plus en tant qu’Etat-Nation et est donc ouvert non seulement à n’importe quelle ingérence étrangère mais incapable d’assurer sa propre défense. Par une ironie du sort, ce point confirme l’une des thèses de la Grande Syrie ou celle du Sham (le Levant unifié suivant l’ancien héritage de Canaan) stipulant que le Liban est une création irrationnelle purement française qui ne répond à aucune réalité historique et que par conséquent aussi bien le Liban que la Palestine ou la Jordanie appartiennent à la Syrie historique. Cette thèse est ancienne mais non moins vraisemblable que la nouvelle stratégie turque du Président Tayep Reçep Erdogan qui crie haut et fort depuis une semaine sa détermination à « déchirer l’ensemble des cartes iniques ayant porté un grand préjudice à la Turquie« . Le Traité de Sykes-Picot (1916) et ceux de Sèvres (1920) et de Lausanne (1922-1923) sont donc remis en cause par au moins deux pays de la région.

La conjoncture géostratégique est de plus en plus compliquée au Levant avec un protectorat turc de façon sur la province syrienne septentrionale d’Idleb où la monnaie turque est devenue la seule monnaie d’usage, la banqueroute du Liban, une crise existentielle en Israël, la décrédibilisation totale d’une Autorité palestinienne sclérosée par la corruption et s’accommodant d’un statu quo très profitable à ses élites, une crise économique en Jordanie et à une remise en cause des frontières de la mer Egée. La présence militaire US se déplace d’Irak en Syrie orientale et s’appuie sur des forces supplétives locales dont les Chefs profitent des réseaux du narco-trafic et de la contrebande. Ce déploiement US se heurte à la présence militaire russe sur les deux rives de l’Euphrate. Autant dire que jamais depuis 1923, la situation n’a été aussi compliquée au Levant et en Méditerranée orientale et ce segment rejoint le front ouvert à l’ouest de la Russie.

Le Grand Jeu passe également par un basculement inevitable des cartes.

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