Travailler c’est trop dur… trop plate et trop vide !

Travailler c’est trop dur… trop plate et trop vide !

Travailler, c’est trop dur… vous connaissez comme moi la complainte de Zacharie Richard. Eh bien, en ce nouveau millénaire, le refrain pourrait s’allonger : Travailler c’est trop dur, trop plate et trop vide. Le travail n’est plus tant une raison de célébrer que de chialer. Considérations sur le sens perdu du travail humain.

Alors que le cancer, le diabète et les crises cardiaques étaient les maladies de civilisation du 20e siècle, celles du 21e sont davantage des maladies psychologiques liées au travail : épuisement, ennui et déprime professionnels, plus connus sous leurs noms anglais burnout, bore-out et brown-out.

Il faut se rendre à l’évidence, le travail n’est plus tant une raison de célébrer que de chialer.

Trois nouveaux syndromes

1. Maladie de l’orgueil

Au premier chef, tous connaissent le fameux burnout. À l’origine, ce terme anglophone vient du monde de l’électricité et désigne une ampoule brulée parce qu’elle a trop éclairé. En psychologie, le burnout indique métaphoriquement un syndrome d’épuisement professionnel par le surmenage. Il résulte d’un excès d’investissement, d’une accumulation de stress et d’un désir maladif de contrôle. 

Si pour les uns elle peut être qualifiée de maladie du don (Pascal Ide) en ce qu’elle touche surtout les professionnels en relation d’aide (médecins, travailleurs sociaux, prêtres), pour d’autres, elle est plus profondément une maladie de l’orgueil. Car à l’origine de tous ces épuisements se trouve trop souvent la prétention que nous seul puissions bien faire les choses, que tout dépende de notre action, qu’il soit impossible de déléguer ou de lâcher prise.

2. Maladie du vide

Après ceux qui se brulent à la tâche, viennent ensuite ceux qui s’emmerdent. Le bore-out est un nouveau symptôme d’épuisement et de dépression professionnels, non pas par le surmenage, mais par l’ennui.

Le plus souvent, il est dû à une sous-charge de travail. Il peut nous frapper, par exemple, quand on est surqualifié pour un emploi. Il est plus commun dans les grosses organisations, surtout dans les emplois de bureaux ou de fonctionnaires. On pourrait aussi le nommer la maladie du vide.

3. Maladie de l’absurde

Reste une dernière forme de déprime professionnelle qu’on appelle du nom plutôt étrange de brown-out. Le brown-out désigne la perte de motivation (et donc aussi d’engagement) au travail due à l’absurdité des tâches confiées par l’employeur. 

Les personnes en brown-out travaillent alors sans réellement se préoccuper de la qualité de ce qu’elles produisent et démissionnent mentalement de leur poste.

Le brown-out serait la conséquence directe de l’innovation et des nouvelles technologies qui amènent de nouveaux métiers et de nouvelles tâches souvent très peu ou trop indirectement utiles. Ce nouveau phénomène se manifeste surtout dans le domaine des finances, du management et des ressources humaines. C’est en quelque sorte la maladie de l’absurde.

Avoir le brown

L’expression fait elle aussi allusion à un terme électrique qui signifie une « baisse de tension ». Le brown-out se traduit littéralement par une « baisse de courant » (ou « manque de jus », en bon québécois) et par une estime de soi de plus en plus diminuée. Autrefois, on pouvait avoir le blues, désormais on peut aussi avoir le brown ! Reste à trouver le style musical ajusté à cette nouvelle mélancolie.

Un salarié atteint de brown-out est un salarié qui n’a plus aucune énergie pour faire ce qu’il fait pour la simple et « bonne » raison qu’il ne donne plus aucun sens à sa tâche, voire qu’il considère sa tâche comme étant à l’opposé de ce qu’il conviendrait de faire, selon lui. 

Rien d’étonnant à ce qu’un cadre qui touche une prime chaque fois qu’il fait des coupes budgétaires ou licencie un salarié ait du mal à trouver du sens à ce qu’il fait ! Les personnes en brown-out travaillent alors sans réellement se préoccuper de la qualité de ce qu’elles produisent et démissionnent mentalement de leur poste.

S’aligner sur plus grand que soi

En Amérique du Nord, seulement 31 % des travailleurs se disent motivés au travail. À l’échelle mondiale, c’est encore moins : pas plus de 13 %, selon une étude de l’Institut Gallup, menée de 2014 à 2016. 

« On doit pouvoir […] aligner [le travail] sur quelque chose de plus grand que soi. »

Solime Gaboriault

Les spécialistes accusent surtout les patrons. Ce seraient à eux que reviendrait principalement le rôle de motiver leurs troupes. Même s’ils ont leur rôle à jouer, n’en demeure pas moins que chacun a la responsabilité de trouver le sens de son travail et à fortiori de sa vie.

Pour être engagé et investi au travail, ce qu’on accomplit au boulot doit avoir un sens et correspondre à nos valeurs. « On doit pouvoir l’aligner sur quelque chose de plus grand que soi », explique Solime Gaboriault, spécialiste en développement des organisations.

Or, dans une société athée, rien n’est plus grand que l’homme.

Dans une société individualiste, rien n’est plus grand que mes intérêts personnels.

Dans une société relativiste, rien n’est plus grand que la subjectivité.

Voilà pourquoi il est très difficile de trouver une valeur, une cause ou un être plus grand que soi, qui mérite le sacrifice que représente tout travail.

Réenchanter le travail

Ces nouvelles maladies étant des formes de « désenchantement » du travail, on demande de plus en plus aux patrons d’être des créateurs de sens afin d’enchanter à nouveau notre métro-boulot-dodo

Mais avouons-le, il est difficile de croire en un sens créé par son patron ! Par définition, le sens n’est pas quelque chose que l’on crée, mais que l’on découvre et reçoit. Comment alors réenchanter le travail dans un monde désenchanté ? Si l’univers n’a pas de sens, comment la vie dans cet univers, et encore moins notre travail dans cette vie, pourrait avoir plus de sens ?

Et voilà pourquoi ces trois maladies du travail deviennent de plus en plus des maladies de la vie. On est en burn-bore-brown-out de la vie parce que la vie est fatigante, vide et absurde.

Un remède salutaire

La bonne nouvelle, c’est qu’il existe un remède miraculeux à ces trois maladies. La mauvaise nouvelle (qui précède toujours la bonne !), c’est que ce remède est fort impopulaire : il s’agit de la foi chrétienne.

1. Le sens de la foi

Remède à l’absurde d’abord, au brown-out de vivre. Car croire en la Révélation de Dieu, c’est croire que tout vient de Dieu et que tout tend vers Dieu. Mieux encore, c’est croire que tout existe par et pour l’amour de Dieu.

Qui a la foi ne travaille plus pour soi, mais pour les autres et pour l’Autre avec un grand A. Le sens est une direction vers quelque part, une destination hors de soi. 

L’amour est le sens ultime de la vie et de toute chose. Ainsi, même les gestes les plus petits ou routiniers sont très riches de sens, car ils peuvent tous être reliés au sens ultime de l’Univers. Concierges, téléphonistes, informaticiens, fonctionnaires, banquiers et caissiers travaillent tous pour la gloire de Dieu et le salut du monde, pourvu qu’ils demeurent dans la charité. Il n’y a pas de petit métier ni de petites vies. 

Tout devient grand, immense même, dans la mesure où c’est en relation avec Dieu. Chaque jour et chaque geste aura une conséquence infinie dans l’éternité, s’il est fait avec et pour l’amour de Dieu. 

Bref, qui a la foi ne travaille plus pour soi, mais pour les autres et pour l’Autre avec un grand A. Le sens est une direction vers quelque part, une destination hors de soi.

Qui est centré sur lui-même ne va nulle part. Travailler et vivre pour autrui est la seule motivation qui puisse survivre à tous les travers et revers. C’est ce que tous les parents et missionnaires comprennent intuitivement.

2. La présence de la foi

Contre la maladie du vide et de l’ennui, le bore-out, une foi vivante est aussi le meilleur médicament. Car une vie de foi nous met en relation constante avec Dieu, avec un Créateur, mais aussi, dans la perspective chrétienne, avec un père, un ami et même un époux de notre âme.

Qui a la foi n’est du coup jamais seul. Si dans la prière on peut faire le vide du monde, c’est toujours en définitive pour faire le plein de la présence de Dieu.

Impossible de s’ennuyer quand on expérimente une vie spirituelle intense, même si extérieurement notre vie peut sembler assez routinière et banale. Les véritables relations amoureuses ne sont jamais plates. L’amour ne se lasse jamais de dire ou d’entendre je t’aime.

3. Le repos de la foi

Reste l’épuisement. Car sans la foi, nous avons l’impression que tout dépend de nous, de notre activité. Si aucune puissance supérieure et bienveillante ne dirige le monde, alors tout dépend de moi. Si nos vies et notre monde vont bien, nous en sommes responsables, et s’ils vont mal, c’est aussi nous les coupables.

La foi peut une fois de plus venir à notre rescousse.

Contrairement à une idée reçue, la foi ne déresponsabilise pas, car elle met en lumière que nous sommes créés libres à l’image de Dieu. Elle nous aide à prendre conscience que notre responsabilité est partagée. Partagée entre tous les hommes, mais aussi avec les saints et les anges du ciel, et surtout, avec Dieu qui est tout puissant et tout aimant. 

La Providence se sert de tout, y compris de nos fautes, par action et par omission, pour guider le monde. Je ne suis pas le Sauveur du monde, Dieu a lui-même déjà sauvé le monde, et je ne suis que son humble instrument. Je ne suis pas indispensable non plus, je suis un serviteur quelconque, voire inutile.

Contre la maladie du don et de l’orgueil qu’est le burnout de vivre, la foi me remet à ma juste place, une place bien humble. Je n’ai pas à tout faire tout seul. Je n’ai qu’à jouer mon rôle et abandonner le reste à Dieu.

L’œuvre de Dieu

La foi nous enseigne enfin que le monde est davantage transformé par le travail de la prière (opus dei) que par toute autre activité. La contemplation est le plus grand moteur du monde.

Or, la contemplation, c’est se reposer en Dieu, écouter, regarder, laisser Dieu agir en nous. Sainte Thérèse de Lisieux l’avait bien compris, elle dont le travail consistait avant tout à prier dans son cloitre et qui est pourtant devenue la patronne de toutes les missions du monde !

« Un savant a dit : “Donnez-moi un levier, un point d’appui, et je soulèverai le monde.” Ce qu’Archimède n’a pu obtenir parce que sa demande ne s’adressait point à Dieu et qu’elle n’était faite qu’au point de vue matériel, les saints l’ont obtenu dans toute sa plénitude. Le Tout-puissant leur a donné pour point d’appui : Lui-même et Lui seul ; pour levier : l’oraison qui embrase d’un feu d’amour, et c’est ainsi qu’ils ont soulevé le monde ; c’est ainsi que les saints encore militants le soulèvent et que, jusqu’à la fin du monde, les saints à venir le soulèveront aussi. »

La sainte docteure aurait très bien pu chanter avec Zacharie l’Acadien :

Chaque jour que moi je vis
On me demande comment je vis
Je dis que j’vis sur l’amour !


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