Figures de style 4

ALLAN ERWAN BERGER  —  Quatrième épisode des cornichons du jeudi. Nous continuons avec les figures de style. Comme elles sont douteuses, compliquées, tétrapiloctomesques, rares et biscornues, on leur a donné des noms grecs pour faire plus sérieux. Quelques-unes sont utiles.

Parataxe :

Style télégraphique, sans éléments de liaisons. La parataxe est l’ennemie éternelle de l’hypotaxe. On ne se perd pas, mais on saute d’une phrase à l’autre, comme, au gué, d’une pierre à l’autre. Il manque une planche.

Il attrapa la fourchette, referma le tiroir d’un coup de pied, partit en courant. Il traversa la maison. Il touva le cellier, le buffet, la clé du buffet. Le bocal. Le cornichon. Enfin enfin !

Paronomase :

La paronomase apparie, au sein d’un même ensemble ou peut s’en faut, deux mots très voisins soit par l’écriture, soit par la prononciation, mais dont les significations se trouvent être bien différentes.

« Devinette ! Des cornichons c’est le local ?

― Le bocal ! »

Périphrase :

C’est parler, parler, parler beaucoup en tournillant autour d’un mot, pour avoir le plaisir suspect de l’évoquer sans l’énoncer.

« C’est un gros fruit qu’on prend d’ordinaire pour un légume, en forme de dirigeable, poilu et pustuleux, d’allure optimiste et néanmoins verdâtre, qui flotte, mélancolique, dans un bocal au milieu d’un nuage de petits oignons blancs, le tout étant resserré dans le buffet du cellier, chez toi, dans cette maison, ici-même. On m’a juré que je pourrais le photographier. »

Personnification :

On attribue à un objet inanimé, ou à un animal, des caractères humains.

Ô vaniteux cornichon qui parades dans ton bouillon,
Tu me regardes de haut, sur ton étagère tu me snobes !

Phébus :

Ellipse qui a mal tourné. On ne saisit plus rien, on soupçonne le pire, il nous faut imaginer des circonstances pour comprendre l’enchaînement logique. Ce peut être amusant. Les phébus en liberté sont assez rares.

Il fonça au bocal, au cornichon, aux toilettes.

Pléonasme :

Si un clou suffit à suspendre votre tableau, et que vous en plantez huit, on dira que vous abusez. Si vous n’avez besoin que d’un mot pour être intelligible, et que vous en alignez trois, quatre, cinq, qui n’apportent rien de neuf : on dira que vous enchaînez les pléonasmes.

Bon, arrêtons de tourner en rond. Tu ne me crois pas, tu penses que j’affabule ? Eh bien moi je te dis que ce cornichon, je l’ai vu de mes propres yeux ! Il était géant, énorme, massif, un vrai menhir ! Une monstruosité pour effrayer les gens la nuit au fond des bois.

On fabrique du pléonasme pour faire de l’humour, en associant deux termes un peu ennemis l’un de l’autre, puis en les reliants par ce simple commentaire : « pléonasme ! » Cette pratique est très utile lorsqu’il s’agit de prétendre conférer à un phénomène singulier la force d’un fait universel. C’est donc l’outil des mauvaises langues.

« Ce ministre est un sale voyou !

— Pléonasme…

— Tais-toi. Doublé d’un cornichon.

— Pléonasme encore… »

Polyptote :

On répète un mot ou sa racine sous différents sens, sous différents modes. Il arrive que ce soit élégant, mais c’est bien rare.

Les cornichons trépassés passent ensuite à la passoire. Puis on les passera au bocal, dans lequel un aigre vinaigre ébouillanté achèvera de faire, aux dits trépassés, passer l’amertume et le goût de l’aventure.

Prétérition :

Ah, voilà une figure bien horripilante ! Il s’agit de dire ce que l’on a d’abord prétendu taire. Ces petites minauderies sont, il est inutile de le dire, d’affreux épouvantails. Je les fuis, comme vous le constatez.

C’était un bocal somptueux, ventru, de la taille d’une barrique ou presque, et rempli jusqu’au capot d’une profusion de petits oignons d’un blanc nacré du plus bel effet, sans parler de la plus extraordinairement gonflée cucurbitacée qui se pût concevoir. Rôdait ici, en effet, iceberg verdâtre d’une masse déraisonnable, ennemi des qualificatifs, un cornichon indescriptible qui, pour son malheur, ayant été détecté par l’un d’entre nous, mourut broyé sous les molaires dudit. Jérôme, pour ne pas le nommer.

À poursuivre ventre à terre…

FAIM

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