Tong Cuong: Providence

DANIEL DUCHARME — Vous est-il déjà arrivé, après la lecture d’un roman, d’hésiter avant d’énoncer votre verdict, à savoir si vous avez aimé ou non ce livre? Cela vient de m’arriver avec Providence de la romancière française Valérie Tong Cuong, un roman que j’ai lu à une vitesse vertigineuse tant je me suis laissé prendre par le fil du récit.

Providence se présente sous la forme d’un roman polyphonique à quatre voix. La première de ces voix s’appelle Marylou, mère célibataire ou, comme on dit au Québec, cheffe de famille monoparentale. Secrétaire dans une société de gestion financière, Marylou est prête à subir les pires humiliations de la part de son patron, juste pour retrouver le sourire de son fils, Paulo, le soir quand elle rentre chez elle. Paulo, son fils, a onze ans, et c’est lui sa raison de vivre. La deuxième voix est celle d’Albert, un vieux monsieur de soixante-quinze ans qui vient d’apprendre qu’il est atteint d’un cancer et ce, le jour même où il apprend qu’il a été adopté, ce qui explique bien des choses, rétrospectivement sur le comportement de sa mère et, surtout, sur celui de sa sœur cadette. Il est riche, ayant travaillé toute sa vie sur des grands chantiers à l’étranger. Devant le notaire, une fois le choc encaissé, il lègue des sommes ridicules à sa sœur et à son neveu, des gens cupides. La troisième voix est celle de Prudence, une avocate d’origine sénégalaise qui subit le racisme au bureau où elle occupe néanmoins un poste important. Au seuil de l’adolescence, elle a fait une tentative de suicide pour un garçon qu’elle retrouvera en s’occupant d’un dossier, car lui-même est devenu juge d’instruction. Enfin, la quatrième voix est celle de Tom, un homme de cinquante-sept ans qui a fort bien réussi sa vie dans le milieu du cinéma et de la télévision. Il est follement amoureux de Libby, une fille plus jeune que lui qu’il s’apprête à demander en mariage… alors qu’il la surprend en train de le tromper avec Aline, une copine. Juste avant, il fait une chute à vélo qui le conduit à l’hôpital.

La vie de ces quatre personnages, qui ont chacun leur histoire, est chamboulée le jour où un étage complet d’un immeuble est soufflé par une bombe, résultat d’un attentat terroriste. Auparavant une panne de métro, causée par une tentative de suicide, va également avoir une certaine influence sur le destin des personnages… Et c’est là qu’intervient une cinquième voix, celle d’un homme de trente ans qui, non content d’avoir raté sa vie, trouve le moyen de rater son suicide dans le métro… Mais la panne de transport que cet incident occasionne aura des conséquences inattendues, mais heureuses, sur chacun des personnages de Providence.

Je ne me prononce pas sur le fait que Valérie Tong Cuong écrive bien ou non, car son récit, rédigé à la première personne, s’avère très proche du langage parlé. Si j’étais critique dans une revue littéraire, je dirais qu’elle a un style simple… mais terriblement efficace! Une manière comme une autre d’éviter de me mouiller. Par contre, ce dont je suis sûr, c’est que son récit à quatre voix est remarquablement bien construit et, à la fin, on se laisse gagner avec enthousiasme par son dénouement, un peu hollywoodien, certes, mais très emballant. La fin est effectivement peu réaliste… mais on y croit, ce qui est assez étonnant, d’ailleurs…

La seule chose qui m’a agacé dans ce roman, c’est peut-être ce côté hollywoodien, justement, comme si la romancière, en l’écrivant, avait caressé l’espoir – avoué ou non – d’en céder les droits pour le cinéma. Après coup, après une visite succincte du site Web de l’auteure qui, incidemment, utilise à bon escient les technologies en vogue pour faire la promotion de ses livres (un site Web, un blogue par roman, un espace sur MySpace, un compte FaceBook, etc.), j’apprenais qu’elle venait justement de céder les droits de Providence au cinéma…

Née dans la banlieue de Paris (impossible de savoir en quelle année), Valérie Tong Cuong écrit et chante dans le groupe Quark. Outre Providence, elle a publié cinq romans: Big (1997, Nil), Gabriel (1999, Nil), Où je suis (2001, Grasset), Ferdinand et les iconoclastes (Grasset, 2003), Noir dehors (2006, Grasset).

Tong Cuong, Valérie. Providence. Paris, Stock, 2008

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