LES GUERRES DE L’EAU AU XXIe SIÈCLE: GÉOPOLITIQUE DE L’OR BLEU

LES GUERRES DE L’EAU AU XXIe SIÈCLE: GÉOPOLITIQUE DE L’OR BLEU

LES GUERRES DE L’EAU AU XXIe SIÈCLE: GÉOPOLITIQUE DE L’OR BLEU Par Luc Michel et EODE.

En 2013, j’avais déjà consacré une fiche de lecture à la « Géopolitique de l’Or bleu », qui sera au XXIe siècle ce que le pétrole a été au XXe siècle. Et qui verra des «guerres de l’eau», comme il y a des guerres du pétrole ! Ou l’Or bleu comme enjeu géostratégique majeur…

LES PROBLEMATIQUES DE LA GEOPOLITIQUE DE L’EAU

Au moment où les forces françaises, appuyées par l’OTAN et l’AFRICOM US, sont engagées au Sahel, dans une bande sahélienne qui se caractérise par son aridité, la question de l’eau apparaît plus que jamais comme un enjeu de sécurité est de développement. Ces questions sécuritaires, que soulèvent les Barkhane et autres Serval,  si elles se posent sont bien souvent celles de l’accès aux ressources et bien entendu à la plus vitale entre toutes. En arrière-plan cette «Géopolitique de l’eau» qui sera l’un des enjeux majeurs de ce siècle. La géopolitique de l’eau a des influences directes : «les grands aquifères sahariens qui se révèlent comme une source précieuse de ces territoires du Sahel victimes et nous le savons bien aujourd’hui du mal-développement et de la mal gouvernance qui ont favorisé la situation actuelle notamment au Nord Mali».

UNE QUESTION MILLÉNAIRE: LA MESOPOTAMIE ET LA GEPOLITIQUE DE L’EAU EN MEDITERRANEE

Pour L’eau et les tensions en Méditerranée, l’eau a été et continue à être une source de tensions en Méditerranée, aussi bien au Nord qu’au Sud et à l’Est, disait déjà un expert en 2013.

Il faut souligner «l’importance du facteur hydraulique dans les civilisations mésopotamiennes, dans cette zone qui n’est pas, nous le savons désormais, le croissant fertile, la question centrale dans l’antiquité était bien celle de la maîtrise de l’eau par des ouvrages hydrauliques d’importance majeure utilisant déjà le bitume comme moyen de réaliser l’étanchéité de ces ouvrages. Si la notion d’hydroconflictualité a un sens, c’est bien dans cette période. Les différents royaumes assyriens, néo-assyriens et néo-babyloniens se livrant à la destruction des réalisations de leurs adversaires. Les vandales n’ont pas hésité non plus lors de leur traversée de la Gaule à détruire les aqueducs avec un enthousiasme qui a fait entrer le nom de ce peuple dans le langage commun».

Le chantage exercé par la Turquie d’Erdogan contre la Syrie et l’Irak, sur le volume des eaux du Tigre et de l’Euphrate, nous rappelle que cette problématique millénaire n’a rien perdu de son importance.

LES DOCTRINES LIÉES A LA GÉOPOLITIQUE DE L’EAU

Au cœur de notre problématique,  la «DOCTRINE DE LA SOUVERAINETÉ TOTALE SUR LES EAUX», illustrée par le contrôle amont des sources du Tigre et de l’Euphrate, tandis que le cas du Nil (Cf. la seconde partie de cette analyse), avec la montée des revendications des pays amont contre le grand pays d’aval, l’Égypte, est un exemple de ce que l’on peut espérer trouver comme archétype de la «DOCTRINE DE L’INTÉGRITÉ TERRITORIALE ABSOLUE», lourde d’ailleurs de dangers en raison de l’impact qu’aurait sur le premier pays du bassin du Nil, un contrôle par les pays de l’amont.

L’eau dans le conflit israélo-palestinien (liée à la Question du Nil) apparaît clairement comme une source de tensions, avec la volonté israélienne d’exploiter à son profit l’aquifère profond de Cisjordanie et la volonté d’accaparer les ressources du Nil en Ethiopie et du Golan occupé contre la Syrie. On parle de «la Mer morte assassinée. Certes salée et fortement, elle n’en constitue pas moins un exutoire indispensable pour le Jourdain et le Yarmouk, source d’eau douce à partir du plateau du Golan. Une autre région contestée encore pour son rôle de château d’eau de la Galilée».

LA GRANDE RIVIÈRE ARTIFICIELLE DE KADHAFI

Certains dirigeants d’avant-garde ont anticipé dès les vingt dernières années du XXe siècle cette problématique. Ainsi en 1984, projet directement impulsé par Kadhafi, la Libye avait entamé la réalisation unilatérale de la GRANDE RIVIÈRE ARTIFICIELLE. Cet ouvrage pharaonique (réalisé avec la Corée du Nord) – dans le bon sens du terme – avait permis, à partir des aquifères profonds de Nubie au Sud Est du pays d’alimenter en eau le littoral dans une proportion de 87%. La Libye avait envisagé deux séries d’accords, avec l’Égypte et le Soudan à l’Est et la Tunisie et l’Algérie à l’Ouest pour l’aquifère saharien.

L’évolution de la situation en Libye, la Somalisation du pays, et l’absence d’un État unitaire dans la Libye post-CNT, depuis 2011 ont remis en cause ces accords. Ajoutons que les infrastructures ne sont plus entretenues, bombardées par l’OTAN et les milices diverses, et que les grandes villes côtières libyennes manquent d’eau courante depuis la destruction de la Jamahiriya.

EAU, CHANGEMENT CLIMATIQUE ET GÉOSTRATÉGIE

Le triptyque « Eau, changement climatique et géostratégie» est central ! Il traite évidemment des «conséquences du changement climatique et de son impact sur l’or bleu». Les États avaient « jusqu’alors une approche économique du problème, celle-ci touche désormais aux questions de sécurité stratégique. Cela se traduit par des politiques d’appropriations de terres cultivables, donc suffisamment arrosées ou facilement irrigables par des États dotés de moyens financiers importants et menacés par le stress hydrique consécutif au changement climatique».

Les opérations militaires en cours, en Afghanistan ou en Afrique concernent ces questions. La sécurité des États exposés en première ligne à des pénuries sera effectivement directement menacée. Des préoccupations, encore balbutiantes dans l’armée française, mais déjà prises en compte par le commandement US, de GREEN WARRIOR, c’est à dire «orienté vers des missions prenant en compte l’évolution environnementale». Pourtant, avant que les États Unis s’engagent dans la contre-insurrection au Levant et en Afrique, «les forces françaises avaient parfaitement intégré (Ndla : avant 2013) cette notion de répartition de la ressource en eau permettant de gagner les cœurs et les esprits en favorisant des aménagements hydrauliques au profit des populations».

Pour certains experts français, et ce n’est pas surprenant, «il conviendra de traiter ces questions par la réactivation de structures spécialisées dans la gestion de la ressource, ou par la création de nouvelles entités de gestion transnationale de l’eau, des nappes ou des bassins». De ce point de vue, «la politique du «deux poids deux mesures » peut se révéler conflictuelle à terme» :

– L’appropriation de la ressource par Israël de l’aquifère Cisjordanien est un abcès de fixation et favorise évidemment toutes les manipulations.

– En Asie centrale, le problème est le même, avec une tension permanente entre les pays riverains de ces fleuves endogènes de la mer d’Aral, l’Amou Daria et le Syr Daria.

– Enfin, le développement des usines géantes de désalinisation fait de ces dernières autant d’objectifs pour des frappes aériennes ou de missiles avec une volonté évidente de menacer de façon permanente les intérêts vitaux de l’adversaire.

SÉCURITÉ INTERNATIONALE ET ENJEUX LIÉS À L’EAU

Depuis la fin des années 1990, la question de la compétition pour les ressources préoccupe largement les États-Majors.

– Voir le problème du Nil, une véritable pomme de discorde potentielle entre pays de l’amont et de l’aval. L’Égypte doit nourrir 82 millions d’habitants et reste loin de l’autosuffisance alimentaire. Dans ce domaine, le Soudan a également une attitude inflexible et considère comme une agression toute tentative des pays amont de modifier le débit du grand fleuve. Pourtant et très légitimement l’Éthiopie avec 118 millions d’habitants en 2025 a besoin de développement hydraulique.

– Il y a aussi le cas de l’Algérie  qui a su mobiliser une partie de la rente pétrolière pour doter le pays d’usines de dessalement permettant d’alimenter des villes littorales en forte croissance. Toutefois pour l’Égypte comme pour l’Éthiopie, des investissements lourds s’avèrent indispensables.

– Comme en Libye, la guerre a été une catastrophe pour le Yémen, un pays vulnérable à court terme: La stabilité de l’ancienne « Arabie heureuse » est grandement menacée. Le pays compte 200 m3 d’eau par habitant et pourrait se retrouver avec 40 m3 en 2025. Dans le cas de ce pays, il aurait été clairement question d’action rapide.

– Les affrontements certes limités pour l’accès aux puits sont devenus fréquents ce qui rappelle des évènements qui se déroulent également en Somalie, un état failli. Clairement pour ce qui concerne ces deux pays, la responsabilité d’une action rapide aurait du être prise depuis une décennie pour éviter de développer un point de fixation dangereux du point de vue de la sécurité mondiale.

Le financement de ces programmes devrait évidemment impliquer les pays du golfe à commencer par l’Arabie Saoudite. Qui a lancé une guerre d’agression, devenue une catastrophe humanitaire mondiale, au Yémen. La sécurité de ce développement pose la nécessité d’infrastructures solides et de qualité et des water warriors c’est à dire des troupes capables de sécuriser ces efforts considérables de développement.

UNE CARTOGRAPHIE MONDIALE DE LA GÉOPOLITIQUE DE L’EAU

Une cartographie mondiale de la géopolitique de l’eau a été proposée dès 2013 par le Général (CR) français Alain LAMBALLE :

– « Il rappelle les données du problèmes. Elles sont simples : 276 bassins hydrographiques transfrontaliers, 300 aquifères partagés (…) La géopolitique de l’eau est ainsi traitée en Europe avec l’exemple de bonne gouvernance à propos du Rhin mais aussi de tensions entre la Slovaquie et la Hongrie à propos du Danube. En Amérique du Nord, la question n’est pas forcément simple, même si l’accord de l’ALENA peut faciliter les transferts d’eau. Des négociations entre les États-Unis et le Canada à propos de Colombia ont été engagées dès 1964, pour la maîtrise des inondations. Avec le Mexique, à propos du Colorado les enjeux sont plus complexes. Le traité de 1994 a permis d’apaiser les tensions mais les États-Unis aujourd’hui cherchent à moderniser le canal qui alimente la Californie mais en limitant les infiltrations qui profitent au sous sol mexicain ».

– Concernant l’Amérique du Sud de très importants accords ont été signés entre le Brésil et le Paraguay, à propos du Parana et entre le Brésil et l’Argentine pour le barrage de Yacireta.

– Le général revient en Afrique pour le cas nilote, «pomme de discorde entre l’Égypte et l’Éthiopie». Cette dernière semble vouloir utiliser sa position de pays amont pour son propre développement, agricole et hydroélectrique. On notera que dés 2013, le crise actuelle pour le Nil était prédictible

GEOPOLITIQUE DE L’EAU EN AFRIQUE

La naissance du Sud Soudan en 2011 qui entend lui aussi accéder aux ressources du Nil a mis deux pays au lieu d’un en situation conflictuelle avec l’Égypte et l’Ethiopie.

Pour ce qui concerne l’Afrique subsaharienne la situation est également compliquée. Tous les grands fleuves traversent plusieurs pays et leur gestion dépend évidemment d’accords internationaux. Les États de la région ont signé des accords dès les années soixante mais qui peinent à se mettre vraiment en place. Le Sénégal est un fleuve frontière avec quatre pays dans son bassin, le Mali en amont, le Sénégal, la Gambie et la Mauritanie. Les troubles internes que la Mauritanie connaît sont liés à un conflit d’usage des berges du fleuve Gorgol, affluent du Sénégal.

En Afrique orientale la situation est plus délicate, avec une pression pastorale qui consomme une part importante des ressources aggravée par la disparition progressive des glaces et des neiges du Kilimandjaro qui prive des territoires des eaux du dégel.

Pour l’Afrique australe, avec le cas particulier de l’Afrique du Sud, grande puissance économique de la zone, « la question est également celle d’un pays aval qui entend exercer son droit à l’usage à l’encontre des pays de l’amont. Les réalisations hydrauliques au Mozambique datent de la période de la colonisation portugaise et, comme pour le Lesotho, avec la rivière Orange, les ponctions sur la ressource sont opérées au profit de l’Afrique du Sud. Pourtant le Lesotho connaît une situation de déficit hydrique. La Namibie conteste la frontière avec l’Afrique du Sud, sur le cours inférieur de la rivière orange. L’accord ancien signé avec l’Allemagne avait fixé les limites sur la rive nord des plus hautes eaux, ce qui permettait à l’Angleterre de disposer d’une délimitation avantageuse. Or la règle commune veut que dans ce cas, la limite soit fixée au centre du lit de la rivière. Cela permet à l’Afrique du Sud d’exploiter les ressources minérales du fleuve, particulièrement riche en limons diamantifères ».

GEOPOLITIQUE DE L’EAU EN ASIE

Enfin pour terminer, la géopolitique de l’eau en Asie :

– Beaucoup de cas sont conflictuels à terme, et relèvent d’ailleurs de conflits anciens. La dimension hydraulique du conflit indo-pakistanais est connue à propos du Cachemire. Les questions des usages de l’eau sont évidemment sensibles dans tout le sous-continent avec le Bangladesh à propos du Gange et du Brahmapoutre qui coulent en Inde avant d’arriver au Bangladesh. De façon globale, comme en Afrique, la grande puissance régionale se taille la part du lion au détriment de ses petits voisins.

– Pour ce qui concerne l’Asie centrale, la question qui est posée est celle de la naissance de frontières depuis 1991 et l’implosion de l’URSS et des partages des eaux entre les pays de la zone. « Encore une fois ce sont les conflits d’intérêts entre l’amont et l’aval qui posent problème. Kirghizistan et Tadjikistan détiennent une position de châteaux d’eau par rapport à l’Ouzbékistan, le Kazakhstan et le Turkménistan. Ce sont d’ailleurs ces trois pays qui sont les plus puissants ce qui peut les amener à faire pression pour défendre leurs intérêts.

L’intégration eurasiatique par Moscou et Pékin, avec ses corridors économiques, tend à résoudre ces problèmes. L’Organisation de coopération de Shanghai tend à mettre en place des accords …

La guerre de Corée, toujours en cours malgré l’armistice signé en 1953 à Pam Mum Jom pourrait trouver un débouché hydraulique  en cas de reprise des hostilités.  Sur un affluent de la rivière Han, un barrage Nord coréen construit à Kumgansan pourrait, s’il était brutalement relâcher inonder Séoul.

– Enfin, la Chine résume à elle seule les enjeux hydrauliques de l’Asie. C’est sur son territoire que se trouvent les principaux château d’eau, à commencer par le Tibet et l’on comprend les enjeux géopolitiques de ce territoire. Si les plus grands fleuves de la zone, le Jiangzi et le Huang He ne coulent qu’en Chine, d’autres prennent leur source en Chine pour se diriger vers les voisins du Sud et de l’Ouest, comme le Kazakhstan. La Chine est un don des fleuves mais en même temps elle ne dispose que de 8 % des ressources mondiales pour 20 % de la population. Son agriculture est largement tributaire de l’eau, et dans le même temps elle conduit des travaux géants pour alimenter le nord déficitaire en eau à partir du Sud excédentaire.

CONCLUSION: LE RÈGNE DE LA LOI DU PLUS FORT …

La géopolitique de l’eau se révèle surtout conforme à l’esprit du temps et à la brutalité des rapports internationaux qui découle du Nouvel Ordre Mondial et de l’unilatéralisme de la super-puissance américaine. «De façon générale la confrontation et l’opposition d’intérêts sont de règle et dans ce domaine c’est la loi du plus fort qui s’impose. Le plus fort en position, le plus fort en puissance, impose sa loi et ses usages de l’eau». La concertation internationale dans ce domaine est balbutiante et si cela existe pour l’eau salée et les espaces maritimes, avec la convention de Montego Bay, nous sommes loin du compte pour ce qui concerne les eaux douces».


LES GUERRES DE L’EAU AU XXIe SIECLE (II) : ETHIOPIE-SOUDAN-EGYPTE, LA BATAILLE POUR LE NIL

Dossier emblématique des Guerres de l’eau en Afrique, la question du barrage éthiopien sur le Nil oppose Addis-Abbeba aux deux Soudan et à l’Egypte. Dossier complexe, où le conflit sur l’eau entre pays de l’aval et de l’amont est aggravé par deux agendas impérialistes : celui de Washington qui veut déstabiliser Abiy Ahmed en Ethiopie, devenu trop proche de la Chine ; ensuite celui de Tel-Aviv qui nous replonge dans les guerres de l’eau (confronté à des problèmes, Israël lorgne sur les eaux du Nil éthiopien au détriment de l’Egypte et des Soudan).

LE CONTROVERSE BARRAGE ÉTHIOPIEN SUR LE NIL

La présidente éthiopienne, Sahle-Work Zewde, a estimé ce mercredi que la construction du barrage hydro-électrique avait « désormais atteint un point de non-retour » ! L’Ethiopie a annoncé mardi avoir atteint le niveau de remplissage prévu pour la première année du réservoir du Grand barrage de la Renaissance (Gerd), un colosse de béton de 145 m de haut qui alimente les tensions dans le bassin du Nil depuis près de dix ans. La présidente éthiopienne, Sahle-Work Zewde, a estimé mercredi que la construction du barrage hydro-électrique avait «désormais atteint un point de non-retour», mais les points de contentieux demeurent avec l’Égypte et le Soudan, qui, situés en aval de l’édifice, craignent pour leur approvisionnement en eau.

POURQUOI LE BARRAGE EST-IL SI CONTROVERSE ?

Le barrage est situé dans l’ouest de l’Éthiopie sur le Nil bleu, qui converge avec le Nil blanc dans la capitale soudanaise Khartoum pour former le Nil et poursuivre son cours à travers l’Égypte vers la Méditerranée. Le Soudan et l’Égypte, laquelle dépend à 97 % du fleuve pour son approvisionnement en eau, s’inquiètent des conséquences du Gerd sur le débit du fleuve, notamment en cas de sécheresse. L’Égypte invoque également depuis près de dix ans «un droit historique» sur le fleuve garanti par des traités conclus en 1929 et 1959. Mais l’Éthiopie s’appuie sur un traité signé en 2010 et boycotté par l’Égypte et le Soudan autorisant des projets d’irrigation et de barrages sur le fleuve.

Un peu plus de la moitié des quelque 110 millions d’Éthiopiens n’a pas accès à l’électricité et le Gerd, qui doit devenir le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique avec une capacité de production de 5.150 mégawatts, devrait grandement remédier à cette situation.

L’ÉTHIOPIE A-T-ELLE COMMENCE A REMPLIR LE GERD?

Les tensions régionales sur le barrage se sont envenimées ces derniers mois sur la question du remplissage du réservoir, d’une capacité de 74 milliards de mètres cubes d’eau. L’Égypte et le Soudan réclament la conclusion d’un accord global sur la gestion du barrage avant que l’Éthiopie ne procède au remplissage. Mais l’Éthiopie estime que le début des opérations de remplissage est une étape-clé de la construction du barrage et Addis Abeba a reconnu la semaine dernière que l’eau s’accumulait dans le réservoir. Plusieurs responsables éthiopiens ont attribué cette accumulation à des causes naturelles: gonflé par les fortes précipitations de la saison des pluies en cours, le fleuve a vu son débit excéder la capacité des vannes du barrage à laisser passer l’eau en aval, provoquant le début du remplissage. Ce sont en l’état au moins 4,9 milliards de mètres cubes, soit le niveau prévu pour la première année, qui se sont accumulés dans le réservoir et devraient permettre de tester les deux premières turbines du barrage. L’Éthiopie espère commencer à y produire de l’électricité début 2021 au plus tard.

Le début du remplissage du réservoir est-il lié aux fortes précipitations ou les Éthiopiens ont-ils accéléré le processus en fermant les vannes du barrage ? La question n’est pas tranchée. Pour Kevin Wheeler, un ingénieur de l’Université d’Oxford qui a étudié le Gerd, interrogé par l’AFP, « l’Éthiopie n’a pas eu besoin de faire quoi que ce soit pour que le barrage commence à retenir de l’eau », au vu notamment « des abondantes précipitations cette année » et de l’élévation actuelle de la structure. A mesure que le barrage gagne en hauteur, son déversoir (ou évacuateur de crue) est également positionné plus en hauteur, ce qui implique que l’édifice retient plus d’eau.

L’Éthiopie entend remplir le réservoir en cinq ans, tout en se disant prête à envisager d’étendre cette période à sept ans.

QUID DES NÉGOCIATIONS ?

«La question du début des opérations de remplissage ne doit pas faire oublier les autres points de contentieux», soulignent les observateurs. Les questions centrales de la résolution des différends et du fonctionnement du barrage en période de sécheresse n’ont toujours pas fait l’objet d’un accord, malgré de nombreuses réunions entre les parties prenantes.

L’Union africaine a récemment pris la tête des pourparlers et lors de leur dernier sommet par visio-conférence mardi, les trois pays ont simplement accepté de poursuivre les discussions. Pour Mostafa Kamel el-Sayed, professeur de sciences politiques à l’université du Caire, les récents développements constituent une débâcle pour la diplomatie égyptienne. Il est très surprenant de voir que le gouvernement égyptien a accepté de reprendre les négociations  alors que l’Éthiopie n’a montré aucun signe d’assouplissement de sa position , a ajouté le professeur.

QUE SIGNIFIE LE BARRAGE POUR L’ÉTHIOPIE: UNE SOURCE D’ORGUEIL NATIONAL

C’est une source d’orgueil national en Ethiopie depuis des années. Les travaux ont débuté en 2011 sous l’égide du Premier ministre de l’époque Meles Zenawi, qui en avait fait un instrument d’éradication de la pauvreté. Les fonctionnaires avaient alors donné un mois de salaire et le gouvernement a ensuite émis des obligations pour contribuer au financement de ce projet de plus de 4 milliards de dollars (3,5 milliards d’euros), presque entièrement payé par l’Éthiopie. Près d’une décennie plus tard, le barrage est l’un des symboles des aspirations de l’Éthiopie au développement et un des rares facteurs d’unité nationale dans un pays traversé par des fractures politiques et ethniques marquées.

II- LES AGENDAS IMPÉRIALISTES EN ACTION

Depuis que l’Éthiopie a démarré les travaux de construction d’un méga-barrage sur le Nil bleu, le plus grand fleuve d’Afrique en 2011, Addis-Abeba et Le Caire ont eu de multiples négociations sur le sujet contentieux. Des négociations qui ont capoté jusqu’à présent. Entre les deux pays de la Corne de l’Afrique, on dit qu’il y a une impasse sur le Nil et le différend pourrait même conduire à un conflit militaire.

COMMENT ISRAEL CIBLE ET DESTABILISE L’ETHIOPIE

Et si cette impasse était une œuvre israélienne? Après tout, Israël cherche à s’emparer des eaux du Nil pour satisfaire les besoins des futures colonies dans les territoires occupés.

La crise de l’eau, Israël la connaît depuis des années. D’où ses efforts destinés à détourner par Éthiopie interposée les eaux du Nil: une obligation pour en alimenter les colonies de peuplement à venir. Les médias israéliens ont rapporté ces dernières années que bon nombre de lacs, de fleuves et de sources d’eau souterraines sur les territoires occupés ont atteint leur niveau le plus bas en 20 ans; le lac de Tibériade qui fournit une grande quantité de la consommation des colons a dangereusement atteint un niveau virant au rouge. Quelque 600 millions de mètres cubes d’eau par an sont nécessaires pour altérer les colonies actuelles et à venir sans quoi l’entité sioniste connaîtra une crise économique et sociale majeure.

Quoi de mieux donc que de créer un différend interafricain et d’en profiter pour atteindre son but : la divergence éclatée entre l’Égypte et l’Éthiopie sur le barrage de la Renaissance a été donc saisie comme du pain béni. En Éthiopie, Israël maintient une forte présence ce qui lui permet de revenir sur le projet du transfert des eaux du Nil vers les territoires occupés, sans susciter trop de susceptibilité…

COMMENT L’ÉTHIOPIE QUITTE LE CAMP AMERICAIN ?

Décidément, Abiy Ahmed déçoit Washington : depuis qu’il s’est rapproché substantiellement de la Chine lui demandant aide et assistance, dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, tout en refusant une médiation américaine dans le dossier hautement stratégique du barrage du Nil, le prix Nobel de paix inquiète, analyse Press TV.

Fin mai dernier, des accrochages meurtriers ont eu lieu sur les frontières avec le Soudan. Les Américains et leur appareil de lobby et de pression, n’ont pas tardé à réagir, Amnesty (Réseaux Sorös) accuse l’Éthiopie de crimes et des violations de droits de l’homme, dans cette région frontalière contre les groupes indépendantistes que les Américains et leurs alliés soutiennent et financent à l’effet de démembrer l’Éthiopie. «Le premier accrochage aurait eu lieu jeudi matin autour d’un point d’eau, sur la rivière Atbara qui traverse la frontière entre l’Éthiopie et le Soudan. Un détachement d’une milice éthiopienne Amhara serait rentré en contact avec des soldats de l’armée soudanaise sur le territoire soudanais, selon le communiqué diffusé à la télévision jeudi soir à Khartoum», écrivait RFI à ce sujet. Dans le même temps, ce sont encore les Américains qui provoquent la junte militaire au pouvoir au Soudan d’en découdre avec l’état éthiopien. Au fait, ce Premier ministre musulman que les Américains croyaient pouvoir imposer au peuple éthiopien dans le strict objectif de faire imploser le pays a commis un autre faux pas là aussi terriblement inquiétant pour les Américains. Le 4 mai dernier, un soi-disant avion humanitaire visiblement bourré d’armes et de munitions a été pris pour cible des missiles éthiopiens alors qu’il volait trop bas reliant le Kenya à la Somalie.

À quoi riment ces événements ? Alors que les USA croyaient pouvoir compter désormais l’Éthiopie dans leur camp, et fidéliser par son biais le «trublion» l’Érythrée, la Chine les ont doublée, ce qui a d’ailleurs provoqué une colère noire à Washington qui vient de couper toute son aide à l’OMS, dont le président est un éthiopien pro-chinois. Ahmed a réussi à faire la paix avec l’Érythrée tout en refusant de marcher sur les pas des Américains en cherchant à pacifier les tribus. Les initiatives des nouveaux présidents éthiopien et angolais, Abiy Ahmed et Joao Lourenço, sont également accueillies avec optimisme par l’étude, annonçait en février dernier Le Point. Mais que s’est-il passé pour qu’à peine 3 mois après, la presse mainstream qualifie la présidence d’Abiy Ahmed, d’une année meurtrière ? Tout porte à dire qu’Abiy Ahmed n’a pas marché sur les pas des Américains et a mis à l’eau tout leur plan dans l’Afrique de l’Est » …

COMMENT LES USA VEULENT A NOUVEAU DÉMEMBRER L’ETHIOPIE D’ABIY AHMED ?

Depuis qu’Abiy Ahmed a refusé de marcher sur les pas des Américains, l’Éthiopie, présidée par le Prix Nobel de la paix, se trouve dans la ligne de mire occidentale. Après avoir refusé la médiation des USA dans l’affaire du barrage sur le Nil, s’être rapproché de l’axe de l’Est et avoir réussi à faire la paix avec l’Érythrée tout en refusant de marcher sur les pas des Américains en cherchant à pacifier les tribus, Abiy Ahmed n’est plus le Premier ministre pacifiste et honoré des instances occidentales, mais plutôt le violateur des droits de l’homme (sic).

C’est dans ce cadre que RFI parle «de la volonté de l’État du Tigré, dans le nord du pays, d’organiser les élections visant à élire un nouveau Parlement, et ce en dépit du fait que ce scrutin a été repoussé au niveau national». Le comité exécutif du Front de libération du peuple du Tigré s’est réuni le week-end dernier et son communiqué final est un réquisitoire. Réquisitoire contre le Premier ministre Abiy Ahmed d’abord et son tout nouveau Parti de la prospérité, un parti fait à sa main que les Tigréens ont refusé d’intégrer ; et réquisitoire ensuite contre le report des élections du 29 août pour cause de Covid-19, décidé par les autorités fédérales et jugé “inconstitutionnel” , affirme RFI. Après avoir échoué à monter les tribus éthiopiennes les uns contre les autres, c’est désormais autour d’une tentative de démembrement du pays à travers des régions indépendantistes du nord de l’Éthiopie que la force d’occupation a longtemps songé à séparer de ce pays.

Le rêve occidental de démembrement des États africains a déjà échoué dans plusieurs pays : le Mali, le Cameroun ou encore la RDC. Reste à savoir si face à une population éthiopienne vigilante, la force d’occupation réussira oui ou non à mettre en œuvre ce plan de démembrement.


Notes

(Sources : Institut Choiseul – EODE Think Tank)

* L’EAU, ENJEU DE SÉCURITÉ ET DE DÉVELOPPEMENT

Revue SÉCURITÉ GLOBALE, Automne 2012 N° 21,

Ed. Institut Choiseul

http://choiseul-editions.com/

Cartes :

revue Sciences Humaines, Le Figaro et Le Web Pédagogique.

* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :

Géopolitique – Géoéconomie – Géoidéologie – Géohistoire –

Géopolitismes – Néoeurasisme – Néopanafricanisme

(Vu de Moscou et Malabo) :

PAGE SPECIALE Luc MICHEL’s Geopolitical Daily

https://www.facebook.com/LucMICHELgeopoliticalDaily/

Photos :

décembre 2019, Workey Tadele, le Grand barrage de la Renaissance (GERD), à proximité de Guba en Ethiopie.

Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec

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