Arrestation de Soral : pourquoi il ne faut pas jubiler — Régis de CASTELNAU

Arrestation de Soral : pourquoi il ne faut pas jubiler  — Régis de CASTELNAU

Avec un préambule du GS et une invitation à lire, en fin d’article, l’étude en 4 volets que nous avons publiée en 2012.

LGS

Alain Soral a été libéré le 30 juillet vers 19 heures. Il avait été arrêté et placé en garde à vue le 28 juillet pour « provocation à commettre un délit ou un crime portant atteinte aux intérêts de la Nation ».

En 1989, Soral, chevelu, se risquait à la télé dans une (déplorable) émission d’humour.

Soral était populaire. On l’invitait beaucoup dans les émissions de télé. Sa morgue, son goût de la provocation, son bagout, sa verve, en faisaient un « bon client » pour la télé (et l’Audimat). Ici, chez Ardisson.

Dès le début de l’an 2000, il séduisait beaucoup de jeunes. Son site était très fréquenté, il commençait à faire des conférences payantes devant un public nombreux.

En 2011, il a publié « Comprendre l’empire » qui s’est vendu à 100 000 exemplaires.

En avril 2012, il s’est livré à la télé à un panégyrique lourdingue de Jean-Marie Le Pen.

En mai 2012, l’historien belge, Maxence Staquet, collaborateur de l’Inem (L’institut d’études marxistes) dont il est aujourd’hui le directeur, nous a proposé une étude critique sur « La pensée d’Alain Soral ». Nous l’avons publiée en 4 volets (voir liens plus bas). Cela devrait gêner les malveillants qui voudraient utiliser le titre de cet article pour lancer une cabale imbécile (une de plus) : « LGS soutient Soral » en oubliant ce que nous avons écrit et ce que disait Voltaire sur le droit de parler, sur son engagement à défendre la liberté d’expression des gens avec qui il n’est pas d’accord.

Le Grand Soir

Arrestation de Soral : pourquoi il ne faut pas jubiler, par Régis de Castelnau

Comme on est précautionneux, et que l’on n’a pas envie de se fâcher avec tout le monde, on va commencer par confirmer qu’Alain Soral est un personnage totalement exécrable. Aigri, haineux, antisémite, négationniste (pour moi le pire), il coche quand même un maximum de cases. Et lorsqu’il aura débarrassé le plancher on respirera un peu mieux.

Mais,

L’exultation bruyante que l’on entend résonner partout à la suite de son interpellation met quand même un peu mal à l’aise. Entendre acclamer des mesures pénales contre l’expression d’opinions fussent-elles détestables est toujours gênant.

Comme d’habitude on va casser les pieds à tout le monde en rappelant quelques éléments juridiques :

• toutes les procédures qui existent jusqu’à présent contre lui relèvent de son expression verbale ou écrite. Et par conséquent de la loi de 1881 sur la presse qui organise en France l’application de la déclaration des droits de l’Homme sur la liberté fondamentale de la libre expression de ses opinions.

• Il est possible de porter par la loi atteinte à cette liberté normalement absolue, dès lors que les limitations, qui doivent être très limitées, répondent à un motif d’intérêt général. L’autre principe est que c’est le JUGE disposant de pouvoirs très encadrés par des règles particulières (la loi de 1881 justement) qui apprécie À POSTERIORI les éventuelles infractions.

• Soral est actuellement l’objet d’un certain nombre de procédures dont, sauf erreur, aucune n’est arrivée à son terme et n’a abouti à une décision judiciaire DÉFINITIVE, donc exécutoire. La nouvelle affaire qui vient de s’ouvrir à la demande du parquet est une instruction judiciaire qui va prendre du temps et donner lieu à un débat contradictoire au cours duquel accusation du parquet et défense de Soral devront être à armes égales. Ça ce sont les principes qui nous protègent tous, et ne sont pas à géométrie variable. Les violer pour Soral c’est nous exposer tous. La liberté d’expression n’est pas actuellement en si grande forme que l’on puisse s’amuser à ça.

• Enfin, l’utilisation du chef de poursuites relatif à la « provocation à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation » c’est la porte ouverte à tous les arbitraires. D’abord, s’il y a bien des gens qui portent atteinte aux intérêts de ma Nation, ce sont ceux de la clique au pouvoir actuellement. Ensuite on nous dit que Soral aurait appelé à la constitution d’un « pouvoir fasciste » . Il me semble qu’il faut faire très attention, parce que ce genre d’approche permettrait alors d’incriminer les royalistes (coucou les amis de la NAR) qui s’opposent à l’article 89 de la Constitution qui interdit de changer la forme républicaine du gouvernement. Et pour ma part, jusqu’à l’abandon de la « dictature du prolétariat » par le 22e congrès du PCF en 1976, je ne voyais guère d’inconvénient à l’instauration (progressive, attention progressive, nous n’étions pas des brutes) d’un système où la punition des méchants aurait été possible. D’ailleurs, aujourd’hui encore, lorsque je pense à l’avenir de mon pays, je me dis qu’après la prochaine Libération de la France de la dictature du Capital néolibéral, quelques séjours roboratifs en Camargue pour la culture du riz rouge seraient peut-être envisageables.…

Porterais-je ainsi atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ? Je pense que c’est exactement le contraire et que sur ce point mon patriotisme est inattaquable. Mais actuellement ce n’est pas mon avis qui compte, c’est celui des imposteurs qui tiennent les manettes, haïssent la liberté d’expression et dont on sait bien qu’ils n’auraient aucun état d’âme à se servir d’outils liberticides. Parce qu’avec la nouvelle procédure Soral, le problème sérieux, c’est que l’utilisation de ce chef de mise en examen crée un précédent détestable. Aujourd’hui l’abject Soral, demain qui ? Est-on sûr de pouvoir faire confiance à la bande actuellement au pouvoir ? À cette partie la magistrature qui s’est mise spontanément à son service comme l’a démontré la répression des gilets jaunes ?

Alors, combattre Soral, oh que oui.

Mais pas avec les armes de l’arbitraire donc, parce que l’on sait comment ça commence, et parfois comment ça finit.

Martin Niemöller * nous a prévenu.

Régis de CASTELNAU

31 juillet 2020

Articles de Maxence Staquet dans LGS en 2012

https://www.legrandsoir.info/la-pensee-d-alain-soral-revolution-ou-rea…

https://www.legrandsoir.info/la-pensee-d-alain-soral-revolution-ou-rea…

https://www.legrandsoir.info/la-pensee-d-alain-soral-revolution-ou-rea…

https://www.legrandsoir.info/la-pensee-d-alain-soral-revolution-ou-rea…


*Note du GS.

First they came... (Quand ils sont venus chercher…)

First they came for the Socialists, and I did not speak out— Ils sont d’abord venus chercher les socialistes, et je n’ai rien dit

Because I was not a Socialist. Parce que je n’étais pas socialiste

Then they came for the Trade Unionists, and I did not speak out— Puis ils sont venus chercher les syndicalistes, et je n’ai rien dit

Because I was not a Trade Unionist. Parce que je n’étais pas syndicaliste

Then they came for the Jews, and I did not speak out— Puis ils sont venus chercher les Juifs, et je n’ai rien dit

Because I was not a Jew. Parce que je n’étais pas juif

Then they came for me—and there was no one left to speak for me. Puis ils sont venus me chercher, et il ne restait plus personne pour me défendre.

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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