Les écologistes allemands s’associent à la Guerre froide contre la Chine

Les écologistes allemands s’associent à la Guerre froide contre la Chine

Une alliance parlementaire transatlantique est lancée contre la Chine — avec une implication substantielle de la part d’un élu écologiste allemand.


Le 10 juin 2020 − Source german-foreign-policy.com

Des hommes politiques membres du parti des Verts allemands jouent un rôle clé dans une nouvelle alliance législative trans-atlantique. Marco Rubio et Bob Menendez, partisans d’une ligne dure opposée à la Chine, sont considérés comme les principaux instigateurs de l’alliance inter-parlemantaire contre la Chine (IPAC), lancée vendredi dernier, et impliquant pour l’instant des membres de douze parlements. Officiellement, cette organisation vise à forger une politique occidentale commune face à la Chine.

Un objectif concret de cette organisation semble être de mettre en œuvre en Europe les politiques de sanctions étasuniennes contre Pékin. L’IPAC mobilise des législateurs, alors même que leurs propres gouvernements nationaux restent opposés aux sanctions. Dans les coulisses de la conférence de sécurité de Munich, en février 2020, Reinhard Bütikofer, un membre écologiste du parlement européen avait déjà proposé la création d’un tel groupe de pression législatif. Il est à présent vice-président de l’IPAC. L’alliance, qui appelle au développement de « stratégies de sécurité » contre la Chine, a également un ex-spécialiste de la CIA au sein de son conseil consultatif.

L’IPAC

L’IPAC [Inter-Parlementary Alliance on China] a été lancée vendredi 5 juin par des députés membres de huit parlements. Depuis, elle s’est vue rejointe par des hommes politiques membres de douze parlements au total — onze parlements nationaux 1, ainsi que du parlement européen. Plusieurs États, qui ont récemment fait montre d’une attitude particulièrement agressive envers la Chine, sont également impliqués : les États-Unis, l’Australie et le Japon. Les sénateurs étasuniens Marco Rubio (un républicain) et Bob Menendez (un démocrate) qui, dans le même temps, se sont distingués comme partisans de la ligne dure contre la Chine, jouent un rôle clé dans l’IPAC. Deux hommes politiques du parti écologiste allemand, Margarete Bause — membre du Bundestag allemand — et Reinhard Bütikofer — membre du parlement européen — figurent parmi les vice-présidents de l’alliance. De même, Michael Brand, porte-parole pour les droits de l’homme au groupe CDU/CSU du Bundestag, est également impliqué.

Reinhard Bütikofer
L’inénarrable Reinhard Bütikofer, soutien d’un certain nombre de guerres illégales menées par son pays, mais se positionnant comme grand défenseur des droits de l’homme.

L’habituel deux poids, deux mesures occidental (I)

L’IPAC vise explicitement à promouvoir une « réponse cohérente » à la montée de la Chine 2. La nouvelle alliance — comprenant des États transatlantiques et des alliés proches, le Japon et l’Australie — exige que la Chine réponde à des normes violées de manière répétée par les puissances occidentales : la République populaire de Chine doit respecter les « normes du droit international ». Aucune mention n’est faite des guerres contre la Yougoslavie (1999) [Au cours de laquelle, « détail » croustillant, une puissance occidentale particulièrement peu respectueuse du droit international avait bombardé l’ambassade de Chine à Belgrade dans des circonstances extrêmement troubles, NdSF], l’Irak (2003) ou la Libye (2011) [ou encore la Syrie en 2015, NdSF], que les puissances occidentales ont déclenché en diverses occasions en violation flagrante du droit international. Par exemple, Bütikofer, membre fondateur de l’IPAC, a soutenu la guerre contre la Yougoslavie en 1999, alors qu’il administrait la politique de la coalition alors au pouvoir, menée par le parti des verts. L’IPAC a également déclaré que la Chine doit respecter les normes édictées par l’OMC. Aucune mention n’est faite quant aux violations par l’administration Trump de ces mêmes normes. Toujours selon l’IPAC, il ne faudrait pas laisser Pékin compromettre la souveraineté de pays, bénéficiaires par exemple d’emprunts consentis par la Chine. L’IPAC ne fait aucune mention quant aux pratiques du Fonds monétaire international (FMI), instrument notoirement dominé par les puissances occidentales et qui impose des programmes d’austérité drastiques contre le gré des bénéficiaires de ses emprunts.

« Enfin un mécanisme de sanctions »

Il devient particulièrement apparent que l’IPAC vise à faire appliquer par l’Europe la politique de sanction dictée par les États-Unis. Les sénateurs étasuniens Rubio et Menendez sont les forces les plus actives derrière l’introduction des lois étasuniennes en la matière, qui, usant du prétexte d’agir contre les mesures décidées par Pékin à Hong Kong et au Xinjiang, ont ouvert la porte à des actions punitives à l’encontre de la République populaire de Chine. Le président étasunien Donald Trump devrait prochainement promulguer la loi Xinjiang. Cette loi, se rapportant à Hong Kong, est déjà appliquée depuis novembre 2019. Bütikofer s’est récemment exprimé en faveur d’« installer enfin un mécanisme de sanctions concerté à l’échelle de l’Union européenne », pour finir par réussir à « imposer des sanctions pour les violations des droits de l’homme par les dirigeants chinois »3. L’IPAC a opté pour cette méthode pour exercer son influence au travers des parlements, alors que le gouvernement étasunien n’a pas encore réussi à forcer les autres gouvernements, en usant de pressions directes, à adopter sa politique de sanctions. La Grande-Bretagne en constitue un exemple, car depuis un certain temps, un arrière-ban particulièrement pro-étasunien insiste sans relâche pour que la décision du gouvernement britannique à une participation limitée de Huawei à l’établissement du réseau 5G britannique soit annulée. L’IPAC permet désormais à de telles pratiques de se voir étendues.

L’ancien gouverneur colonial et les Verts

En Allemagne, ce sont les verts qui constituent la colonne vertébrale de cette politique. On a pu s’en rendre compte récemment, lorsque le dernier gouverneur colonial britannique d’Hong Kong, et ancien commissaire aux relations extérieures de l’UE, Chris Patten, a lancé un appel — sur la base de la nouvelle loi de sécurité décidée par la Chine à Hong Kong — pour qu’une action conjointe soit prise par les pays occidentaux et leurs alliés contre la République populaire de Chine. Cet appel visait également à mobiliser le plus grand nombre possible de parlementaires, pour qu’ils adoptent une politique de confrontation agressive à l’encontre de Pékin — en contournant leurs gouvernements nationaux. Cet appel a déjà récolté les signatures de 853 hommes politiques d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Australie et du Japon, pour la plupart des parlementaires de parlements nationaux et du parlement de l’UE. L’appel de l’ancien gouverneur colonial a reçu un soutien particulièrement massif de la part des verts allemands, dont on retrouve les noms aux côtés de partisans d’une ligne dure très à droite tels que Marco Rubio et Ted Cruz4. Bütikofer, l’homme politique vert, joue un rôle clé dans l’IPAC. Dans les coulisses de la conférence de sécurité de Munich (MSC), le chef de la délégation du parlement européen pour la Chine avait plaidé pour la formation d’un conseil transatlantique dédié à la Chine, avec pour objectif de mettre en contact étroit des représentants du Congrès étasunien avec les membres du parlement européen5. L’IPAC compte désormais parmi ses rangs divers parlements nationaux étrangers.

L’habituel deux poids, deux mesures occidental (II)

La coopération entre les Verts allemands et les tenants de la ligne dure de la droite des républicains étasuniens, qui peut sembler à première vue stupéfiante, constitue une longue tradition dans la lutte contre la Chine. Depuis de nombreuses années, les Verts allemands, à l’instar des Républicains étasuniens, soutiennent les cercles tibétains liés au Dalaï Lama, qui recourent à l’occasion à la violence dans leur opposition à Pékin — allant jusqu’à exiger que le Tibet fasse sécession de la République populaire de Chine6. Pour protester contre les mesures prises par Pékin au Xinjiang, les Républicains étasuniens et les Verts allemands sont au coude à coude — un autre exemple du deux poids, deux mesures occidental traditionnel : alors que la lutte par la Chine contre le Djihad Ouighour au Xinjiang7 se voit attaquée abruptement, les crimes de masse commis depuis le 11 septembre 2001 par l’Occident au cours de sa « guerre contre la terreur » — enlèvement et torture de suspects de terrorisme — sont tenus sous silence. À l’époque, gouvernement allemand, formé par une coalition entre le SPD et les Verts, avait été impliqué8. Bütikofer était alors le dirigeant politique du parti des Verts.

Un homme de la CIA au conseil consultatif

La composition du conseil consultatif de l’IPAC correspond à son agenda, que nous avons présenté ci-avant. Parmi ses membres, on trouve des activistes de Hong Kong, dont un chirurgien britannique doté d’une expérience de guerre et des zones de conflits violents9, ainsi que le vice-président du Congrès mondial des Ouighours, basé à Munich 10. Robert L. Suettinger, membre du conseil consultatif de l’IPAC a quant à lui fait une longue carrière à la direction du renseignement de la CIA11.

« Des stratégies pour la sécurité »

Les objectifs déclarés de l’IPAC n’indiquent pas son orientation à long terme. Les « démocraties », indique l’organisation, doivent développement des « stratégies de sécurité » complémentaires pour répondre aux « défis » présentés par la République populaire de Chine [Voir la page citée en note 2]. Ce point s’aligne avec les considérations qui sont échangées dans les cercles transatlantiques, visant à positionner l’OTAN contre la Chine — et ce de manière explicitement militaire également. Le site german-foreign-policy.com publiera prochainement un article à ce sujet.

Note du Saker Francophone

Une démonstration de plus (mais qui en a encore besoin?) que l'Union européenne est fondamentalement un organe vassalisé aux États-Unis d'Amérique, et soumis à leurs intérêts.

Traduit par José Martí, relu par Hervé pour le Saker Francophone

Notes

Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone

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