Venezuela: Le côté sombre des sanctions

Venezuela: Le côté sombre des sanctions

Pour avoir une bonne discussion, nous devons commencer par remettre en question l’idée socialement installée de sanctions pour nous permettre d’identifier ce qu’elles sont en réalité et leur but réel.

Dans le cadre du droit contemporain de l’Occident, parler de sanctions implique que c’est le résultat d’un processus judiciaire qui doit garantir un certain nombre de droits aux accusés. Dans le domaine politique, rien n’est plus éloigné de cet axiome. Ce qu’on appelle sanctions, ce sont en réalité des mesures coercitives unilatérales d’un État contre un autre État, ce qui comprend ses institutions, les personnes qui le représentent et les entreprises stratégiques sous son contrôle ou qui opèrent sur son territoire qu’on suspecte d’être en relations avec celui-ci ou avec une certaine politique qu’il développe.

Ces mesures sont par nature arbitraires et discrétionnaires, elles sont adaptées à une orientation politique conçue par celui qui dirige l’État que nous appellerons l’émetteur et ne sont possibles que parce qu’il sait qu’il a un avantage dans un ou plusieurs domaines comme le domaine géopolitique, économique, militaire ou politique.

Les motivations pour imposer des mesures coercitives unilatérales sont variées mais pendant ces dernières décennies, elles ont été mises en place quand l’État qui les prend est très peu soutenu par les autres États et que son influence sur eux est faible ou qu’atteindre leur but lui coûterait cher. Elles ont aussi été utilisées quand les possibilités de l’opposition politique, économique ou sociale à l’acteur politique qui gouverne une partie ou la totalité de l’État agressé sont limitées sur le terrain que ce soit à cause de ses propres capacités ou à cause du contexte dans lequel elle agit.

La mise en place de mesures coercitives unilatérales est destinée – entre autres buts – à criminaliser l’opposant politique et pour cela, elle est complétée par un récit politique de masse conçu par des entreprises de communication qui évidemment doivent être sous l’influence de l’État émetteur. En résumé, ce sont des mesures politiques qui peuvent avoir une base légale sur le territoire de l’État qui les met en place mais pas en Droit International car elles violent un principe vital : la souveraineté nationale des peuples.

Le but fondamental des mesures coercitives unilatérales est d’affecter la gouvernabilité d’un acteur politique dans un système social déterminé, c’est pourquoi elles sont variées. Il y a les mesures coercitives unilatérales politiques et les mesures coercitives unilatérales économiques qui comprennent les mesures financières et les mesures commerciales. En général, on les met en place de façon échelonnée jusqu’au blocus qui en est la forme supérieure.

En fait, les mesures coercitives unilatérales affectent la gouvernabilité, car elles limitent les capacités de relations des États des pays qui en sont l’objet qui, concrètement, voient baisser leurs rentrées d’argent et en conséquence les conditions de vie de la population qui en est la principale victime.

Dans le cas du Venezuela, les mesures coercitives unilatérales sont principalement mises en place par le gouvernement des États-Unis d’Amérique, secondé par l’Union Européenne et le Canada. De façon marginale, il y a aussi les gouvernements des pays qui forment le « Groupe de Lima » (Colombie, Équateur, Pérou, Brésil et Chili). Le gouvernement états-unien a mis en place ces mesures à partir de 2006, selon Manuel Sutherland (2020:17), et selon Oscar Shemel, déjà plus de 300 actions ont été réalisées qui ont commencé par être politiques et financières pour devenir à présent commerciales, sans oublier les actions diplomatiques et l’ingérence dans les affaires intérieures.

Ces mesures sont condamnées par la population vénézuélienne. L’institut de sondage Hinterlaces a révélé que 81 % des Vénézuéliens condamnent ce qu’on entend par sanctions qui doivent être en fait qualifiées de mesures coercitives unilatérales. Bien qu’une partie de l’opposition au chavisme insiste sur le fait qu’elles doivent continuer, elles montrent leur inefficacité politique et leur incapacité à avancer par leurs propres moyens en plus d’être déconnectées de la perception générale de la population.

Au niveau mondial, beaucoup d’entreprises de communication font partie de l’appareil de propagande au service de cette politique d’agression du Venezuela. Elles arrivent à construire un récit qui criminalise le Gouvernement bolivarien et à insérer dans ce récit des éléments qui les justifient. Pour contrecarrer cette situation, la Chancellerie du Gouvernement bolivarien du Venezuela a mis en place une stratégie de dénonciation des conséquences de ces mesures dans tous les forums mondiaux et montre tout : du coût en manque à gagner jusqu’aux conséquences sur la vie des gens.

Un des aspects du débat est l’ampleur de l’impact des mesures coercitives unilatérales. Ceux qui les mettent en place minimisent leur pouvoir mortel, relativisent l’impact sur ceux qu’elles touchent (le Gouvernement bolivarien, ses représentants et les entreprises avec lesquelles ils ont des relations commerciales) et ne parlent pas des coûts sociaux. Ceux qui n’en sont pas l’objet ont tendance à surévaluer leurs effets et à les utiliser pour justifier beaucoup d’autres problèmes.

Le Centre stratégique latino-américain de géopolitique (CELAG) a émis un rapport qui calcule le coût économique des mesures coercitives unilatérales pour le Venezuela de 2013 à 2017. Il l’estime à 350 milliards de dollars américains, c’est-à-dire au Produit intérieur brut du pays pour environ un an et demi.

En termes sociaux, selon l’expert indépendant en droits de la personne Alfred de Zayas, « on peut dire que jusqu’à présent, plus de 100 000 Vénézuéliens sont morts à cause des mesures coercitives unilatérales, des dizaines de milliers de Vénézuéliens sont morts faute d’avoir accès aux médicaments. »

Manuel Sutherland, dans un rapport réalisé pour Provea intitulé « Impact et nature réelle des sanctions économiques imposées au Venezuela » minimise les conséquences des actions des États-Unis d’Amérique, et conclut que la crise économique existait déjà et que les sanctions ne font que l’aggraver.

Le gouvernement vénézuélien représenté par le Chancelier Jorge Arreaza s’est rendu récemment à la Cour pénale internationale et a présenté une requête contre le Gouvernement des États-Unis d’Amérique. Depuis peu, la campagne « Les sanctions sont un crime » se développe au Venezuela. Elle est destinée à proposer un autre récit que le récit dominant à ce sujet.

Les conséquences des mesures coercitives unilatérales contre le Venezuela principalement mises en place par les États-Unis d’Amérique sont terribles car elles s’expriment chaque jour dans la vie des gens, mais ce ne sont pas les seules. Affirmer ce qui précède ne veut pas dire ne pas prendre en compte les erreurs du gouvernement bolivarien dans la gestion de la crise d’un point de vue historique, mais cela ne dégage pas l’État agresseur de toute responsabilité.

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Ces mesures coercitives unilatérales ont un côté plus obscur qui est l’existence de tout un réseau dans le système financier international qui, avec une certaine permissivité de ceux qui les prennent, est fait pour percevoir des commissions qui ne pourraient pas être payées en temps normal.

Les mesures coercitives unilatérales créent la situation idéale pour que les entreprises vautours deviennent les opérateurs par excellence et prolifèrent. La conséquence pratique est que le bien que le pays peut vendre, il doit le vendre à bas prix, en dessous du prix du marché. Avec ça, il doit acheter ce dont il a besoin et par contre le payer cher. La perte nette est incroyable. On ne remet pas en question cette pratique ni les entités qui font du profit grâce à elle. Cela nous révèle une autre dimension de cette agression contre notre peuple, une façon de nous voler nos richesses.

Dans cette situation, le travail de contrôle devient plus difficile car beaucoup d’opérations sont faites en toute discrétion et souvent en marge du système institutionnel. Révéler leurs détails permet déjà à l’État émetteur de peaufiner les mesures coercitives qu’il met en place.

A ce propos, nous pouvons évoquer les accords avec le gouvernement iranien pour acheter du carburant ainsi que des pièces détachées pour les raffineries et des additifs pour sa transformation au Venezuela. Ils ont été gardés secrets et une fois rendus publics, le gouvernement des États-Unis d’Amérique a commencé à proférer des menaces contre cette opération. Combien a coûté cette opération ? Comment a-t-elle été payée ? Et d’autres questions. Ils n’ont pas eu et ils n’auront pas de réponse.

Pendant ces derniers mois, on a rendu public le fait qu’il y a des entreprises qui sont en train de mettre en place des accords destinés à échanger du pétrole contre des aliments face aux limitations auxquelles se heurte le gouvernement vénézuélien pour commercialiser sa ressource essentielle. Il n’y a pour l’instant pas de confirmation des porte-parole du Gouvernement bolivarien.

Il faut noter que même des programmes comme le programme « Pétrole contre nourriture » qui sont proposés en tant que mesures humanitaires finissent par succomber à cette logique macabre comme en Irak, en 2003, qui ne fut révélée que grâce aux dénonciations du reporter et écrivain Michael Soussan.

Jesús A. Rondón

Source pour l’article original en espagnol : Venezuela. El lado más oscuro de las sanciones, Resumen Latinoamericano, le 29 mai 2020.

Traduction : Françoise Lopez pour bolivarinfos. Révision par Claude Morin pour Mondialisation.ca

Jesús A. Rondón : sociologue vénézuélien.

L’auteur anime un blogue (http://rondonjesus.blogspot.com/) et un compte Twitter (@JesusRondonVen).

Source: Lire l'article complet de Mondialisation.ca

À propos de l'auteur Mondialisation.ca

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