L’échec de l’après-Meech

À l’occasion du 30e anniversaire de l’échec de l’Accord du Lac Meech, les médias revisitent les événements entourant cet échec. De l’avis général, les planètes étaient alors alignés pour que le Québec se dirige vers l’indépendance. Ce ne fut pas le cas. Que s’est-il passé après l’échec de Meech pour que le projet d’indépendance avorte? Quels sont les causes de l’échec de l’après-Meech?

Rappelons d’abord le contexte. Au lendemain de l’échec de Meech, le Parti Québécois adopte la stratégie de la « main tendue » à l’égard de Bourassa. Parizeau répond au « Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, libre et capable d’assumer son destin et son développement » de Bourassa par ces mots : « Mon premier ministre, je vous tends la main ». Il ne semble plus, alors, y avoir d’autres choix que la souveraineté et on spécule à qui mieux mieux sur les chances que Robert Bourassa « fasse l’indépendance ».

Cependant, craignant que Bourassa ne cherche qu’à gagner du temps et que la vague souverainiste s’essouffle, les membres indépendantistes de la Commission Bélanger-Campeau exigent la tenue d’un référendum sur la souveraineté en 1991.

Mais, aux termes des travaux de cette commission, un Parizeau déconfit se voit contraint de signer un document qui, non seulement reporte l’échéance du référendum à l’automne 1992, mais met sur le même pied l’indépendance et de nouvelles offres fédérales. On connaît la suite : de nouvelles offres issues de l’accord de Charlottetown et un référendum sur le fédéralisme renouvelé.

Que s’est-il donc passé à la Commission Bélanger-Campeau pour qu’on accepte de donner à Bourassa la marge de temps dont il avait besoin et la possibilité de redonner « une nouvelle chance au Canada »?

Dans son livre Le Tricheur, Jean-François Lisée analyse en détails le rôle des Lucien Bouchard et des « non-alignés » dans cette volte-face. Mais il faut aussi rappeler la responsabilité de Claude Béland du Mouvement Desjardins.

À la tête de ce Mouvement, dont les actifs approchent les 50 milliards $, Claude Béland était, comme on dit, plus « égal » que ses pairs au sein de la Commission Bélanger-Campeau, particulièrement à ce moment de notre histoire où les hommes d’affaires étaient placés sur un piédestal. Aussi, lorsqu’il annonce la prise de position du Mouvement Desjardins en faveur de l’indépendance, plusieurs sentent qu’un tournant important vient d’être pris. La caution à la souveraineté, tant désirée du milieu nationaliste des affaires, est enfin acquise.

Mais le Canada anglais et les milieux fédéralistes réalisent, eux aussi, l’importance de cette prise de position. Et la contre-offensive s’orchestre rapidement. Les éditorialistes et les chroniqueurs de la presse fédéraliste taillent en pièces la méthodologie du sondage sur lequel s’appuyait la position du p.d.-g. du Mouvement Desjardins. Le député Vincent Della Noce menace de lancer un mouvement de retrait de fonds des Caisses populaires. Claude Béland a aussi fait part, à l’époque, de mesures de rétorsion d’institutions anglophones comme la Sun Life et la Prudential of America et même de menaces de mort contre sa personne, dont le journal La Presse s’est fait l’écho.

 

Menacé de mort, Béland capitule

Nous devons considérer ces affirmations de Claude Béland comme véridiques. Cependant, malgré toute la sympathie qu’on peut éprouver pour une personne subissant un tel assaut, il nous faut constater que Claude Béland a capitulé devant ces pressions! Après ses prises de position en faveur de la souveraineté, il a commencé à faire marche arrière pour trouver des vertus au Rapport Allaire; puis à dire qu’il ne voyait pas de différence entre un référendum en 1991 ou 1992; et, finalement, à déclarer, le jour de sa publication, que le Rapport de la Commission Bélanger-Campeau était « un buffet froid où tout le monde prend ce qu’il veut »! Enfin, il a cherché à imputer au Parti Québécois la fin en queue de poisson de la Commission Bélanger-Campeau en l’accusant de donner « la primauté au pouvoir sur la souveraineté »!

Le Parti Québécois, qui a pourtant toujours été à genoux devant le Mouvement Desjardins, est alors contraint de répondre, par la bouche de Guy Chevrette, et d’accuser Béland de malhonnêteté intellectuelle et, de plus, d’être en service commandé pour Robert Bourassa!

Ajoutons que, par la suite, Béland y est allé d’une déclaration à Paris dans laquelle il prédisait que « la crise constitutionnelle aboutira à un Canada uni, mais profondément renouvelé »! Enfin, Claude Béland s’est tenu complètement à l’écart de la campagne référendaire sur l’accord de Charlottetown.

 

Crédit photo : blogues.desjardins.com/

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