24 juin : Drapeaux en berne pour les victimes de la COVID et nos hommages au personnel soignant

24 juin : Drapeaux en berne pour les victimes de la COVID et nos hommages au personnel soignant

Quel curieux paradoxe ! Alors qu’un sondage révèle un taux de satisfaction de 76 % au gouvernement pour son action au cours de la pandémie, le premier ministre François Legault ne donne pas la note de passage à deux des principaux responsables de la gestion de la crise ! Il saque pour incompétence notoire sa ministre de la Santé Danielle McCann et son sous-ministre Yves Gendron.

Le plus intrigant est qu’à une sous-question du sondage 73 % des répondants qualifient de « très mauvaise » la gestion de la crise dans les résidences pour personnes âgées ! Comment expliquer cette contradiction? Comment peut-on décerner une médaille de bonne conduite au gouvernement, tout en le blâmant pour sa gestion là où la crise a sévi ? De façon plus générale, comment peut-on être satisfait de l’action du gouvernement, alors que le Québec a un des pires scores sur la planète avec plus de 5 424 morts en date du 23 juin. En un mot, comme expliquer le succès du « Tout va bien aller », alors que tout allait si mal ?

 

Une mise en scène bien rodée

Nous soumettons quatre hypothèses à la réflexion.

Premièrement, il y a, bien entendu, la peur, qui entraîne, dans un premier temps, les citoyens à se rallier derrière leur gouvernement lors de pareille crise.

Deuxièmement, on doit constater que, pendant une longue période, l’action gouvernementale n’a pas fait l’objet de solides critiques. L’Opposition parlementaire a été tétanisée par le taux de popularité du gouvernement dans les sondages et les journalistes ont été réduits à n’être que « les merveilleux pigeons voyageurs » du Dr Arruda par la violence des réseaux sociaux à leur égard.

Troisièmement, l’équipe des communications du bureau de François Legault a très habilement manipulé l’opinion publique. Pour amuser la galerie, il y a eu les tartelettes,  les steppettes et les singeries du Dr Arruda. Puis, quand le nombre de décès a monté en flèche et qu’il fallait trouver des coupables, on a jeté à la vindicte populaire les médecins spécialistes et la ministre des Aînés, Marguerite Blais, pour ne citer que ces deux exemples. La grand-messe de 13 heures était si bien rodée que certains y ont même vu un modèle de démocratie directe ! Faut le faire !

 

Le grand découplage

Quatrièmement, la grande réussite de l’équipe Legault a sûrement été d’implanter dans la tête des Québécoises et des Québécois le découplage entre les Montréal et les régions, entre les CHSLD et le reste du Québec, entre les aînés et le reste de la population. Ma région n’est pas touchée, c’est OK ! Je ne suis pas à risque vu mon âge, c’est parfait !

Comment expliquer cette désinvolture qui frise l’inconscience ? Est-ce la conséquence de ces décennies de domination du néolibéralisme et de l’individualisme triomphant? Est-ce le résultat de toutes ces années où la seule préoccupation à l’égard des aînés était de s’assurer qu’ils « meurent dans la dignité » ? Bon, ils (surtout « elles », en fait) sont « morts dans l’indignité », mais on entendait ici et là qu’ils étaient de toute façon condamnés, l’espérance de vie dans les CHSLD étant de deux ans. Alors….

L’autre grande fracture est entre Montréal et les régions. Une fracture entre le Montréal multiethnique et le Québec « de souche » des régions. Une fracture que personnifie bien la CAQ, qui n’a fait élire que deux députés sur l’île de Montréal. Une fracture glorifiée par certains qui ont vu dans l’action gouvernementale, « l’unité retrouvée de la nation », une « symbiose » entre Legault et « son peuple ».

Voilà de beaux sujets de réflexion pour les mois à venir.

 

Le Québec gravement affaibli

Au-delà des sondages, le premier ministre Legault sait très bien que le Québec sort gravement affaibli de cette crise sanitaire. Affaibli au sein du Canada dans son rapport de force avec Ottawa et les autres provinces. Un indice : l’imposition par le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard d’un corridor sanitaire pour les Québécois désirant se rendre à Souris pour emprunter le traversier vers les Îles-de-la-Madeleine.

Affaibli aussi à l’échelle internationale où le gouvernement devra expliquer son bilan catastrophique. Nul doute que de nombreuses études internationales prendront le Québec comme exemple de ce qu’il ne faut pas faire.

Car la pandémie a fait mentir l’adage « Quand je me compare, je me console ». Notre bilan est pire que celui de la Suède (Pop : 10,3 M : 5 161 morts), un pays qui N’A PAS APPLIQUÉ de mesures de confinement ! La comparaison avec d’autres pays scandinaves de taille semblable est horrible : la Norvège (Pop : 5,3 M : 248 morts); la Finlande (Pop : 5,5 M : 327 morts); le Danemark (Pop : 5,8 M : 603 morts).  

Et on ne parle même pas des pays asiatiques. Singapour (Pop : 5,6 millions d’habitants : 26 morts), Hong Kong (Pop : 7,4 M : 6 morts), Taïwan (Pop : 23 M : 7 morts), Corée du Sud (Pop : 51,6 M : 281 morts).

Dès que les premiers signes de pandémie, le Dr Arruda aurait dû se rendre – ou envoyer des membres de son équipe – en Asie pour tirer des enseignements de la riposte de ces pays.  Dans une entrevue au journal Le Monde pour présenter son livre The Covid-19 Catastrophe. What’s Gone Wrong and How to Stop It Happening Again, (Polity), le rédacteur en chef de la revue médicale « The Lancet » rappelle que, pendant les six semaines qui ont suivi la déclaration d’une urgence santé par l’Organisation mondiale de la Santé, « la plupart des pays occidentaux n’ont rien fait. C’est une erreur impardonnable ».

Il ajoute : « Ne comprenaient-ils pas ce qui se passait en Chine ? Ne croyaient-ils pas les Chinois ? Était-ce du racisme envers les Chinois ? Je ne comprends pas. Les preuves étaient très claires, dès fin janvier. Donc je pense que les politiciens vont devoir s’expliquer. C’est une faillite catastrophique des exécutifs occidentaux. Cette pandémie est un désastre que nous avons nous-mêmes créé ».

En fait, le Dr Arruda n’avait pas besoin d’aller si loin. Considérons seulement la Colombie-Britannique (Pop : 5 M : 170 morts). Nous en avons expliqué à plusieurs reprises les causes. Répétons-les.

 

L’imputabilité

Pendant que le responsable de la santé publique du Québec, le Dr Arruda, rémunéré 300 000 $ par année (soit 100 000 $ de plus que le premier ministre), se prélassait sur les plages du Maroc du 26 février au 8 mars, son homologue de la Colombie-Britannique, la Dr Bonnie Henry, concentrait toute l’attention de la province sur les résidences pour aînés.

Elle a nationalisé le fonctionnement de toutes les résidences privées. Elle a uniformisé les conditions de travail de tous les employés. Tous les temps partiels sont passés à temps plein. Et les conditions de travail ont été resserrées partout. Les employés du réseau ne pouvaient alors plus se promener d’un centre à l’autre (C’est toujours le cas au Québec). Ceux qui s’occupaient des patients infectés ne pouvaient interagir avec ceux qui ne l’étaient pas. L’équipement de protection nécessaire a été rendu disponible. Il était disponible parce que, dès la fin janvier, la province, tout comme l’Ontario et l’Alberta avait commandé du matériel de protection. Ce que le Québec n’a fait que beaucoup plus tard.

Dans son message de la Fête nationale, le premier ministre Legault a reconnu « une défaite dans nos centres de soin de longue durée. On a perdu des milliers de nos aînés, en partie parce qu’on était mal préparés ». La préparation pour faire face à cette pandémie relevait, en bonne partie, de la Santé publique. Sinon à quoi cela sert-il de payer son responsable 300 000 $ par année? Le contrat du Dr Arruda se termine le 31 juillet. Espérons que le premier ministre saura lui montrer le chemin vers la porte, tout comme il l’a fait pour Danielle McCann et son sous-ministre Yves Gendron.

Le Québec ne pourra faire l’économie d’une commission d’enquête publique pour identifier les causes de ce désastre national. Le premier ministre Legault a placé son remaniement ministériel sous le signe de l’imputabilité. Tout à fait d’accord. Mais l’imputabilité ne vaut pas seulement pour l’avenir. L’imputabilité doit aussi s’appliquer pour le passé. Une commission d’enquête statuera à savoir s’il y a matière à porter des accusations criminelles.

 

24 juin

La chose décente à faire en ce 24 juin serait de mettre les drapeaux du Québec en berne pour les 5 424 personnes décédées de la COVID-19 et des 54 884 autres personnes infectées dont plusieurs sont hospitalisées, certaines aux soins intensifs, ou encore en réhabilitation avec le risque de conserver des séquelles.

D’autre part, il faut rendre hommage à tout le personnel soignant qui, dans des conditions épouvantables engendrées par l’impréparation, l’incurie et l’incompétence de nos dirigeants, a porté secours à nos aînés, au risque de leur santé et même de leur vie. Ce que le premier ministre Legault a spécifiquement omis de faire dans son message de la Fête nationale.

Bonne Fête nationale… quand même !

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Source: Lire l'article complet de L'aut'journal

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