Trump accable Cuba de sanctions pendant que l’île combat le Covid-19 dans le monde

Trump accable Cuba de sanctions pendant que l’île combat le Covid-19 dans le monde

L’admiration pour les médecins cubains est si grande qu’une campagne mondiale a vu le jour pour leur décerner le prix Nobel de la paix.

Par Medea Benjamin et Leonardo Flores

Source : Common Dreams, le 16 juin 2020

Traduction : lecridespeuples.fr

Une équipe de 85 médecins et infirmières cubains est arrivée au Pérou le 3 juin pour aider la nation andine à lutter contre la pandémie de coronavirus. Ce même jour, le Secrétaire d’État Mike Pompeo a annoncé un nouveau resserrement des vis des sanctions. Cette fois, il a ciblé sept entités cubaines, dont Fincimex, l’une des principales institutions financières chargées des transferts de fonds vers le pays. Ont également été ciblés Marriott International, qui a été condamné à cesser ses activités à Cuba, et d’autres entreprises du secteur du tourisme, une industrie qui représente 10% du PIB de Cuba et qui a été dévastée à l’échelle mondiale par la pandémie.

Il semble que plus Cuba aide le monde, plus elle est martelée de sanctions par l’administration Trump. Alors que Cuba a subi un embargo américain pendant près de 60 ans, Trump a fait monter les enjeux avec une stratégie de « pression maximale » qui comprend plus de 90 mesures économiques imposées à la nation depuis janvier 2019. Josefina Vidal, ambassadrice de Cuba au Canada, a qualifié les mesures de « sans précédent par leur niveau d’agression et leur portée » et conçues pour « priver le pays de revenus pour le développement de l’économie ». Depuis qu’il a été imposé par l’administration Kennedy en 1962, l’embargo a coûté à Cuba bien plus de 130 milliards de dollars, selon une estimation de 2018. Rien qu’en 2018-2019, l’impact économique était de 4 milliards de dollars, un chiffre qui n’inclut pas l’impact d’une interdiction de voyager de l’administration Trump en juin 2019 visant à nuire à l’industrie du tourisme.

Bien que l’embargo soit censé avoir des exemptions humanitaires, le secteur de la santé n’a pas été épargné. Cuba est connue dans le monde entier pour son système de santé public universel, mais l’embargo a entraîné une pénurie de médicaments et de fournitures médicales, en particulier pour les patients atteints du sida et du cancer. Les médecins de l’Institut national d’oncologie de Cuba ont dû amputer les membres inférieurs d’enfants atteints de cancer parce que les entreprises américaines, qui détiennent le monopole de la technologie qui aurait permis de les soigner, ne peuvent la vendre à Cuba. Au cœur de la pandémie, les États-Unis ont bloqué un don de masques faciaux et de kits de diagnostic COVID-19 du milliardaire chinois Jack Ma.

Doctors and nurses of Cuba's Henry Reeve International Medical Brigade pose with a portrait of Cuban late leader Fidel Castro as they are bid farewell before travelling to hard-hit Italy to help in the fight against the coronavirus COVID-19 pandemic, at the Central Unit of Medical Cooperation in Havana, on March 21, 2020. (Photo: Yamil LAGE / AFP via Getty Images)
Des médecins et infirmières de la Brigade médicale internationale Henry Reeve de Cuba posent avec un portrait du défunt chef cubain Fidel Castro alors qu’ils font leurs adieux avant de se rendre en Italie, durement touchée par le coronavirus, pour aider à lutter contre la pandémie de COVID-19, à l’unité centrale de Coopération médicale à La Havane, le 21 mars 2020.

Non content de saboter le secteur de la santé domestique de Cuba, l’administration Trump a attaqué l’assistance médicale internationale de Cuba, qu’il s’agisse des équipes luttant contre le coronavirus aujourd’hui ou de celles qui ont voyagé partout dans le monde depuis les années 1960 dans 164 pays pour fournir des services aux communautés mal desservies par les soins. L’objectif américain est de réduire les revenus de l’île maintenant que la fourniture de ces services a dépassé le tourisme en tant que première source de revenus de Cuba. Qualifiant ces équipes médicales bénévoles de « victimes de la traite des êtres humains » parce qu’une partie de leurs salaires sert à payer le système de santé cubain, l’administration Trump a convaincu l’Équateur, la Bolivie et le Brésil de mettre fin à leurs accords de coopération avec les médecins cubains. Pompeo a ensuite applaudi les dirigeants de ces pays pour avoir refusé de « fermer les yeux » sur les abus présumés de Cuba. Le triomphalisme a été de courte durée : un mois après cette déclaration, le gouvernement de Bolsonaro au Brésil a supplié Cuba de renvoyer ses médecins au milieu de la pandémie. Les alliés des États-Unis dans le monde entier, notamment au Qatar, au Koweït, en Afrique du Sud, en Italie, au Honduras et au Pérou, ont accepté avec reconnaissance cette aide cubaine. L’admiration pour les médecins cubains est si grande qu’une campagne mondiale a vu le jour pour leur décerner le prix Nobel de la paix.

Voir Covid-19 : comment Cuba a humilié les Etats-Unis

L’administration Trump ne diffame pas seulement les médecins, mais tout le pays. En mai, le Département d’État a désigné Cuba comme l’un des cinq pays « ne coopérant pas pleinement » aux efforts antiterroristes américains. Le principal prétexte était l’accueil par la nation de membres de l’Armée de libération nationale (ELN) de Colombie. Pourtant, même le communiqué de presse du Département d’État note que des membres de l’ELN sont à Cuba en raison de « protocoles de négociation de paix ». Le ministre cubain des Affaires étrangères, Bruno Rodríguez, a qualifié les accusations de malhonnêtes et « facilitées par l’attitude ingrate du gouvernement colombien » qui a interrompu les pourparlers avec l’ELN en 2019. Il convient également de noter que l’Équateur était l’hôte initial des pourparlers entre l’ELN et la Colombie, mais Cuba a été invitée à intervenir après que le gouvernement Moreno a abdiqué ses responsabilités en 2018.

La classification de Cuba comme « ne coopérant pas » avec la lutte contre le terrorisme pourrait conduire à ce que Cuba soit placée sur la liste américaine des États commanditaires du terrorisme, qui comporte des sanctions plus sévères. Cette idée a été lancée par un haut responsable de l’administration Trump à Reuters le mois dernier. Cuba figurait sur cette liste de 1982 à 2015, malgré le fait que, selon l’ancien responsable du Département d’État Jason Blazakis, « il a été légalement déterminé que Cuba n’était pas activement impliquée dans des violences qui pouvaient être définies comme du terrorisme selon toute définition crédible du mot. »

Bien entendu, les États-Unis ne sont pas en mesure de prétendre que d’autres pays ne coopèrent pas dans la lutte contre le terrorisme. Pendant des années (et jusqu’à sa mort), les États-Unis ont hébergé Luis Posada Carriles, cerveau du bombardement d’un avion civil cubain en 1976 qui a tué 73 personnes (ce que les autorités américaines elles-mêmes ont reconnu). Plus récemment, les États-Unis n’ont même pas encore commenté l’attaque du 30 avril contre l’ambassade de Cuba à Washington D.C., lorsqu’un homme a tiré sur le bâtiment avec un fusil automatique.

Bien qu’il y ait certainement des idéologues de droite comme le Secrétaire d’Etat Pompeo et le Sénateur Rubio qui orchestrent la campagne de pression maximale de Trump, pour Trump lui-même, la question de Cuba importe surtout dans la perspective des élections américaines. Sa ligne dure contre la minuscule nation insulaire a peut-être contribué à faire basculer la campagne pour l’élection du gouverneur de Floride pendant les élections de mi-mandat, mais il n’est pas sûr que cela le servira bien au cours d’une année présidentielle. Selon la sagesse conventionnelle et les sondages, les jeunes Cubano-Américains nombreux en Floride, et qui, comme la plupart des jeunes, n’ont pas tendance à voter aux élections de  mi-mandat, sont de plus en plus sceptiques à l’égard de l’embargo américain, et dans l’ensemble, Cuba n’est pas la question primordiale à leurs yeux. Trump a remporté le vote cubano-américain en 2016, mais Hillary Clinton a pris entre 41 et 47% pour cent de cet électorat, nettement plus que n’importe quel Démocrate depuis des décennies.

Ce sont là des signes qu’en tant que stratégie électorale, l’agression de Trump contre Cuba pourrait ne pas porter ses fruits. Bien sûr, la stratégie pourrait ne pas être uniquement une question de vote, mais aussi de financement et de garantie que la machine politique cubano-américaine soit fermement derrière Trump.

La stratégie n’a certainement pas porté ses fruits en ce qui concerne l’objectif de changement de régime. L’administration Trump est sans doute plus loin de réaliser un changement de régime à Cuba que les États-Unis ne l’ont jamais été en plus de 60 ans d’intervention. Pendant le mandat de Trump, Cuba est passée calmement de la présidence de Raul Castro à celle de Miguel Díaz-Canel. En 2019, les électeurs cubains ont massivement ratifié une nouvelle Constitution. Ce ne sont pas des signes d’un pays au bord de l’effondrement.

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Tout ce que Trump a accompli est de rendre la vie plus difficile aux 11 millions d’habitants de l’île, qui, comme les gens du monde entier, ont été frappés par l’impact économique du coronavirus. Le tourisme s’est effondré. Les revenus des envois de fonds ont chuté (à la fois en raison des nouvelles restrictions américaines et de la baisse des revenus entre les mains de la diaspora cubaine). Le Venezuela, autrefois un grand bienfaiteur, est embourbé dans sa propre crise. Mais l’économie de Cuba, qui devait se contracter de 3,7% avant le déclenchement de la pandémie, a traversé des périodes bien pire dans son histoire, en particulier pendant la crise économique de 1991 à 2000 connue sous le nom de « période spéciale » après l’effondrement de l’Union soviétique.

Un changement à la Maison Blanche apporterait un certain soulagement, bien que Joe Biden ait adopté une position plutôt ambivalente, affirmant qu’il rétablirait les relations comme l’a fait le Président Obama, mais ajoutant qu’il était disposé à utiliser des sanctions comme punition pour le soutien de Cuba au gouvernement vénézuélien.

Il est clair que d’ici à novembre, et peut-être pendant quatre ans de plus, l’administration Trump frappera son voisin insulaire. Cuba continuera de rechercher une condamnation mondiale du blocus (le vote de l’ONU en 2019 était de 187 contre contre 3 pour : les États-Unis, le Brésil et Israël) et continuera de montrer à quoi ressemble un bon voisin. Elle a répondu à ces dernières provocations comme seul Cuba le fait : avec plus de solidarité mondiale, l’envoi de brigades de guérison Covid-19 en Guinée et au Koweït un jour après le cycle de sanctions du 3 juin. Au total, 26 pays comptent désormais du personnel médical cubain qui prend soin de leurs malades.

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C’est le genre de bonne volonté que l’argent ne peut tout simplement pas acheter, et cela présente un contraste frappant avec le comportement honteux de l’administration Trump pendant la pandémie. En mars dernier, alors que les médecins cubains arrivaient en Italie, l’ancien Président équatorien Rafael Correa a tweeté : « Un jour, nous dirons à nos enfants qu’après des décennies de films et de propagande, au moment de vérité, lorsque l’humanité avait besoin d’aide à un moment où les grandes puissances se cachaient, les médecins cubains ont commencé à arriver, sans rien demander en retour. »

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À propos de l'auteur Le Cri des Peuples

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