SOTT FOCUS: Huit grandes raisons pour lesquelles la Théorie critique de la race est calamiteuse pour traiter du racisme

SOTT FOCUS: Huit grandes raisons pour lesquelles la Théorie critique de la race est calamiteuse pour traiter du racisme

Note du traducteur — La « Théorie critique de la race » [Critical Race Theory en anglais] est une discipline académique focalisée sur l’application de la théorie critique aux relations entre la race, la loi, et le pouvoir.

Aussi improbable que cela puisse paraître, une théorie académique très obscure connue sous le nom de « Critical Race Theory » s’est complètement intégrée dans la société, et aujourd’hui, tout le monde en parle [sans en saisir les doctrines – NdT]. Si la Théorie critique de la race a le noble objectif de mettre en évidence des problèmes qui peuvent être difficiles à discerner et qui entretiennent ou constituent le racisme, elle s’avère être une manière remarquablement mauvaise de procéder. Quelques connaissances sur les principes de base de cette théorie et sur la manière dont [les universitaires de cette discipline – NdT] se trompent peuvent, à cet égard, être utiles.

Racisme

Avant de commencer, je présente mes excuses au lecteur. La Théorie critique de la race se développe depuis plus de quarante années et se trouve confrontée à de nombreux et profonds problèmes. Elle représente, par conséquent, un travail de longue haleine qui est encore loin d’être achevé. Ici, je ne documente que huit des plus grands problèmes de l’approche de la Théorie critique de la race. Traitez-les comme huit courts essais sur des sujets spécifiques de cette théorie et digérez-les un par un. Je les propose dans l’espoir d’aider ceux qui les liront à mieux comprendre cette théorie afin qu’ils puissent décider par eux-mêmes si elle constitue, dans notre société, le meilleur moyen de traiter des questions raciales et du racisme ou s’il nous est possible de faire mieux.

Et puisque c’est dense, voici en substance le résumé de ces huit points.

La Théorie critique de la race…

  • estime que le racisme est présent dans tous les aspects de la vie, dans toutes les relations et dans toutes les interactions, et fait donc en sorte que ses défenseurs le recherchent partout ;
  • s’appuie sur la « convergence des intérêts » — les blancs donnent aux noirs des opportunités et des libertés uniquement quand c’est également dans leur propre intérêt — et ne fait donc confiance à aucune tentative d’améliorer le racisme ;
  • est opposée aux sociétés libres, et veut les démanteler et les remplacer par une chose dont ses partisans auraient le contrôle ;
  • ne traite des questions raciales que selon les « groupes socialement construits », il n’existe donc aucun individu dans la Théorie critique de la race ;
  • croit que la science, la raison et les preuves sont un moyen « blanc » d’acquérir du savoir et que les récits et les expériences vécues sont une alternative « noire », ce qui nuit à tout le monde, en particulier aux Noirs ;
  • rejette toutes les alternatives potentielles — comme l’absence de préjugés raciaux — comme formes de racisme, se faisant ainsi l’écho de la seule chose disponible, souhaitable et admissible — ce qui est totalitaire ;
  • agit comme si toute personne en désaccord avec elle devait le faire pour des raisons racistes et de suprématie blanche, même si ces personnes sont noires — ce qui est également totalitaire ;
  • ne peut être satisfaite, devenant alors une sorte de trou noir activiste qui menace de détruire tout ce qu’elle touche.

1 — Selon la Théorie critique de la race, le racisme est présent dans tous les aspects de la vie, toutes les relations et toutes les interactions

La Théorie critique de la race part de l’hypothèse que le racisme est un élément ordinaire de tous les aspects de la vie dans nos sociétés. Les chercheurs Richard Delgado et Jean Stefancic, qui en sont deux spécialistes, écrivent à la page 7 du manuel d’introduction standard sur le sujet, et intitulé Critical Race Theory : An Introduction [Une introduction à la Théorie critique de la race – NdT] :

Premièrement, le racisme est ordinaire et non aberrant — c’est une « science normale », la façon habituelle dont la société fonctionne, l’expérience commune et quotidienne de la plupart des personnes de couleur dans ce pays.

Il faut noter que cette hypothèse est, dans l’introduction de leur livre, citée en premier parmi les « principes de base de la Théorie critique de la race ». Comprenez également que ce qu’ils entendent par « racisme » ne correspond même pas à la signification que la plupart des gens donnent au mot racisme. Par « racisme », ils n’entendent pas un préjugé fondé sur la race ou la croyance que certaines races sont supérieures ou inférieures à d’autres. C’est plutôt le « système » de tout ce qui se produit dans le monde social et au-delà qui entraîne — en moyenne — toute disparité en faveur des groupes « racialement privilégiés » ou de toute personne « racialement opprimée » qui prétend subir une oppression raciale.

Ces suppositions conduisent les personnes adeptes de la Théorie critique de la race à chercher le racisme partout jusqu’à ce qu’elles le trouvent. Il s’agit, après tout, du travail d’un théoricien ou d’un militant « critique » : chercher les problèmes cachés dont ils supposent la présence dans tout ce qu’ils examinent.

Sur un lieu de travail qui adopte la Théorie critique de la race, cela signifie qu’une personne ayant cette vision du monde finira par découvrir en quoi votre entreprise et sa culture sont « racistes » ; ce n’est qu’une question de temps. À partir de là, il se produira un effondrement qui obligera tout le monde à prendre parti et à exiger une réorganisation de l’ensemble de la culture et de la gestion du bureau — désormais divisé.

À l’école, il faudra apprendre à nos enfants à penser de cette façon et à rechercher de façon systématique le racisme dans chaque situation et interaction. Dans nos relations personnelles, cela signifie que les amis et même les membres de la famille — en particulier nos enfants déjà éduqués avec les idées de la Théorie critique de la race elles-mêmes incorporées dans nos écoles — finiront par s’interpeller et se rejeter mutuellement, puisque tolérer le racisme est également considéré comme une forme de racisme qu’il faudrait débusquer et endiguer.

2 — La Théorie critique de la race s’appuie sur la « Convergence des intérêts » : les Blancs donnent aux Noirs des opportunités et des libertés uniquement quand c’est également dans leur propre intérêt

L’un des fondateurs de la Théorie critique de la race — un universitaire de la Faculté de droit de Harvard nommé Derrick Bell, aujourd’hui décédé — a fait de sa « Thèse sur la convergence des intérêts » un élément central de la théorie. Revenons à Delgado et Stefancic,

La deuxième caractéristique, parfois appelée « convergence des intérêts » ou déterminisme matériel, ajoute une dimension supplémentaire. Puisque le racisme sert les intérêts des élites blanches — matériellement — et des travailleurs — psychologiquement — de larges pans de la société sont peu enclins à l’éradiquer. Prenons, par exemple, la proposition choquante de Derrick Bell (examinée dans un chapitre ultérieur) selon laquelle l’affaire Brown contre le Bureau de l’éducation — considérée comme un grand triomphe du contentieux des droits civils — pourrait avoir résulté davantage de l’intérêt personnel des élites blanches que d’un désir d’aider les Noirs. (p. 7)

[Brown contre le Bureau de l’éducation est le nom donné à un arrêt de la Cour suprême des États-Unis, rendu le 17 mai 1954 qui déclare la ségrégation raciale inconstitutionnelle dans les écoles publiques – NdT]

Comprendre à quel point cette idée est paranoïaque et cynique n’est pas difficile, mais quand on s’arrête pour réfléchir à certaines de ses implications, elle renferme également un concept terriblement malsain. Prenez l’exigence qui découle également de la Théorie critique de la race selon laquelle tout le monde devrait être antiraciste. En surface, cette idée peut sembler bonne, mais ce qu’elle cache est horrifiant. Si une personne ayant des « privilèges raciaux » — y compris les blancs, les asiatiques, les hispaniques, les arabes, les indiens et les noirs à la peau claire — décide conformément à cette exigence de devenir un antiraciste, la Thèse de la convergence des intérêts dirait qu’elle ne l’a fait que pour améliorer son image, se protéger des critiques ou éviter d’être confrontée à son propre racisme. Il ne s’agit pas non plus d’une idée marginale ou d’une éventuelle lacune dans le concept. La littérature académique propres aux « études sur la blanchitude » regorge de cette notion, y compris les pavés littéraires d’universitaires qui traitent de ce sujet, comme par exemple celui intitulé Good White PeopleThe Problem with Middle-Class White Anti-Racism [« Les bonnes personnes blanches — Le problème de l’antiracisme blanc des classes moyennes », ouvrage non traduit en français – NdT], publié en 2018 par la State University of New York Press.

La Thèse de la convergence des intérêts rend littéralement impossible à toute personne ayant un quelconque privilège racial — encore une fois, comme défini par la Théorie critique de la race — de faire quoique ce soit de bien parce que tout ce qu’elle fait de bien doit aussi être dans son propre intérêt. Si la Théorie critique de la race formule une exigence envers des personnes disposant d’une forme quelconque de privilège racial et qu’elles s’y soumettent, elles se rendent simplement plus complices du « racisme » tel que le conçoit la Théorie critique de la race. En ne laissant aucune issue à ces personnes, elle devient profondément manipulatrice et ne peut en aucune manière satisfaire à son arsenal d’exigences.

3 — La Théorie critique de la race est opposée aux sociétés libres

Croyez-le ou non, la Théorie critique de la race n’est pas une idée libérale. Elle est, en fait, critique des sociétés libérales et contre l’idée de liberté dans son essence. La Théorie critique de la race considère une société libre comme un moyen de structurer et de maintenir les inégalités en persuadant les minorités raciales de ne pas souhaiter mener de politique identitaire radicale. Puisque la Théorie critique de la race existe spécifiquement pour inciter et permettre une politique d’identité raciale radicale, elle est donc contre les sociétés libres et leur mode d’organisation. — Elle est ainsi très différente du mouvement des droits civils qu’elle prétend à tort perpétuer.

Pour en revenir à Delgado et Stefancic, une position critique sur les sociétés libres et leurs normes est à nouveau au centre de la Théorie critique de la race : « les spécialistes de la [Théorie] critique de la race sont mécontents du libéralisme en tant que structure pour répondre aux problèmes raciaux de l’Amérique. De nombreux libéraux croient au daltonisme et aux principes neutres du droit constitutionnel » (p. 21). Le célèbre « éducateur critique de la blanchitude », Robin DiAngelo — auteur du désormais célèbre livre Fragilité blanche le dit encore plus clairement, en écrivant avec un collègue nommé Ozlem Sensoy dans un livre éducatif très lu intitulé Is Everyone Really Equal ? [« Tout le monde est-il vraiment égal ? », ouvrage non traduit en français – NdT] :

Ces mouvements [les mouvements de la Théorie critique sur lesquels se fonde la Théorie critique de la race] ont d’abord prôné un type d’humanisme libéral — individualisme, liberté et paix — mais se sont rapidement tournés vers un rejet de l’humanisme libéral. L’idéal d’autonomie individuelle qui sous-tend l’humanisme libéral — l’idée que les gens sont libres de prendre des décisions rationnelles indépendantes qui déterminent leur propre destin — a été considéré comme un mécanisme permettant de maintenir les marginalisés à leur place en occultant les systèmes structurels d’inégalité plus larges. En d’autres termes, elle [la société libre] a trompé les individus en leur faisant croire qu’ils avaient plus de liberté et de choix que ce que les structures sociétales permettent réellement. (p. 5)

En d’autres termes, la Théorie critique de la race considère les sociétés libres et les idéaux qui les font fonctionner — l’individualisme, la liberté, la paix — comme une sorte de théorie conspirationniste tacite à laquelle nous participons tous pour maintenir les minorités raciales à un niveau inférieur. Lorsque ses partisans accusent les gens d’être « complices de systèmes de racisme », cela fait partie de ce qu’ils veulent dire. Il est évident qu’ils préfèrent que nous n’ayons pas de sociétés libres et qu’ils préfèrent organiser la société comme ils l’entendent et nous faire tous adhérer à leurs idées.

4 — La Théorie critique de la race ne traite des questions raciales que selon les « groupes socialement construits », il n’existe donc aucun individu dans la Théorie critique de la race

La Théorie critique de la race ne s’oppose pas seulement aux sociétés libres et à l’individualisme qui les rend possibles, mais elle ne croit même pas que les individus existent de manière significative ! Dans la Théorie critique de la race, chaque personne doit être comprise en fonction des groupes sociaux auxquels elle est censée appartenir, et ceux-ci sont déterminés par son identité, y compris sa race. Delgado et Stefancic écrivent :

Un troisième thème de la Théorie critique de la race, la thèse de la « construction sociale », soutient que la race et les races sont des produits de la pensée et des relations sociales. Non pas objectives, inhérentes ou fixes, elles ne correspondent à aucune réalité biologique ou génétique ; au contraire, les races sont des catégories que la société invente, manipule ou supprime quand cela lui convient. (p. 7)

Selon la Théorie critique de la race, les races sont des catégories que la société invente et que nous imposons entièrement par des hypothèses sociales — principalement des stéréotypes — et les gens sont membres de ces catégories raciales qu’elles le veuillent ou non. En outre, ils affirment que la société est « stratifiée socialement », ce qui signifie que différents groupes sociaux — comme ces groupes raciaux — ont un accès différencié aux opportunités et aux ressources de la société. Bien qu’en moyenne cela soit vrai, cette affirmation ne tient pas compte des variations individuelles qui sont évidentes lorsque l’on considère les exemples de personnes noires puissantes, riches et célèbres comme Barack Obama, Oprah Winfrey et Kanye West. Cependant, la Théorie critique de la race force les « gens » à s’en tenir à ces moyennes et les considère principalement en termes d’identité de groupe plutôt que d’identité individuelle. C’est en partie pour cette raison qu’ils utilisent le mot « gens » au lieu de « personnes » — le premier désignant un groupe social [et faisant partie d’un langage plus « inclusif » – NdT].

Ainsi, dans la Théorie critique de la race, l’objectif de traiter idéalement chaque personne comme un individu égal devant la loi et censé être jugé sur le contenu de son caractère et les mérites de son travail est considéré comme un mythe qui maintient les minorités raciales à un niveau inférieur. Au lieu de cela, elle voit les gens uniquement en fonction de leurs groupes raciaux. C’est pourquoi il est si courant que les programmes raciaux progressistes finissent par nuire aux personnes qu’ils sont le plus censés aider. La « justice raciale », au sein de la Théorie critique de la race, signifie obtenir la « justice » pour le groupe, qui, selon elle, est une construction sociale, et non pour la personne réelle, qui n’est qu’un membre de ce groupe. Comme l’écrit Lynn Lemisko à la page 193 de Educator to Educator, un autre manuel d’éducation dans les programmes de Justice sociale critique :

Si la démocratie concerne les droits individuels — justice pour les individus — alors la justice sociale concerne les droits des groupes — justice pour les groupes. Et pour moi, il y a une différence fondamentale entre la notion générale de justice et la notion de justice sociale.

5 — La Théorie critique de la race estime que la science, la raison et les preuves sont un moyen « blanc » d’acquérir du savoir et que le récit et l’expérience vécue sont une alternative « noire »

Rappelez-vous ci-dessus, quand Delgado et Stefancic disaient que la « science normale » fait partie du racisme quotidien et ordinaire de nos sociétés… C’est parce que la Théorie critique de la race n’est pas particulièrement favorable à la science, se situant quelque part entre un désintérêt général et une hostilité ouverte à son égard — souvent en fonction des circonstances. C’est parce que la Théorie critique de la race, utilisant cette thèse de « construction sociale », croit que le pouvoir et la politique des groupes culturels font intrinsèquement leur chemin dans tout ce que la culture produit. Ainsi, et selon la Théorie critique de la race, la science n’est rien de plus qu’un autre moyen de faire de la politique.

La science moderne étant principalement produite par des hommes blancs et occidentaux, la Théorie critique de la race la considère donc comme un « mode d’acquisition de connaissance » qui est blanc et occidental. Elle soutient donc que la science encode et perpétue la « domination blanche » et ne convient donc pas vraiment aux Noirs qui vivent dans une culture — politique — de négritude.

C’est évidemment une opinion abominable, qui va à l’encontre de l’un des tout premiers piliers de la science : l’universalité. L’universalité de la science dit que peu importe qui fait une expérience, le résultat sera toujours le même. C’est parce que la science croit en l’objectivité, ce que la Théorie critique de la race appelle aussi un mythe oppressant. Par exemple, Robin DiAngelo et Ozlem Sensoy écrivent :

L’une des principales contributions des théoriciens critiques concerne la production de connaissances. Étant donné que la transmission du savoir fait partie intégrante de l’activité scolaire, les théoriciens critiques dans le domaine de l’éducation se sont particulièrement intéressés à la manière dont le savoir est produit. Ces chercheurs soutiennent qu’un élément clé de l’injustice sociale implique la revendication que la connaissance particulière est objective, neutre et universelle. Une approche fondée sur la théorie critique remet en question l’idée que l’objectivité est souhaitable, voire possible. Le terme utilisé pour décrire cette façon de penser la connaissance est que la connaissance est socialement construite. Lorsque nous faisons référence à la connaissance comme étant socialement construite, nous voulons dire que la connaissance reflète les valeurs et les intérêts de ceux qui la produisent. (p. 7)

Sensoy et DiAngelo affirment également que la science « présume de la supériorité et de l’infaillibilité de la méthode scientifique » (p. 5) — ce qui est faux, soit dit en passant — et que nous devrions donc nous demander « à qui revient la rationalité » et « à qui revient l’objectivité présumée » de la méthode scientifique. Puis, de manière encore plus cynique, ils insistent sur le fait que nous devons nous demander quels intérêts sont servis par la science, comme si c’était la question pertinente à poser à une méthode universaliste. La Théorie critique de la race affirme à tort que les intérêts des Blancs sont principalement servis par la science. Tout cela n’est pas seulement faux — et véritablement raciste ! — c’est dangereux.

Poursuivant la pensée véritablement raciste selon laquelle les Noirs ne sont pas adaptés à la science ou ne sont pas servis par elle, Delgado et Stefancic affirment que le récit de leur « expérience vécue » est le principal mode par lequel les Noirs et la Théorie critique de la race produisent et font progresser la connaissance. Il est important de noter que ces expériences vécues ne sont considérées comme valables que si elles sont en accord avec la Théorie critique de la race. Ils écrivent :

Les théoriciens critiques de la race se sont appuyés sur des expériences quotidiennes avec des perspectives, des points de vue et le pouvoir des histoires et de la persuasion pour arriver à une meilleure compréhension de la façon dont les Américains perçoivent la race. Ils ont écrit des paraboles, des autobiographies et des « contre-récits », et ont examiné le contexte factuel et les personnalités, souvent ignorées dans les recueils de jurisprudence de cas bien connus. (p. 38)

Alors que les récits peuvent être informatifs, pour créer une position selon laquelle la science est un « mode d’acquisition de la connaissance » pour les blancs occidentaux — surtout les hommes — et que le conte est plus adapté aux minorités raciales, la Théorie critique de la race est elle-même raciste — contre les minorités raciales — et paralyse les personnes qu’elle prétend aider. Cela se produit de multiples façons, notamment en sapant leur capacité de réflexion critique, en leur apprenant à voir le monde d’une manière qui les opprime, et en les associant à des stéréotypes négatifs et nuisibles selon lesquels ce sont les Blancs, et non les Noirs, qui utilisent des méthodes rigoureuses.

6 — La Théorie critique de la race rejette toutes les alternatives potentielles — comme l’absence de préjugés raciaux — comme formes de racisme

La Théorie critique de la race est totalement contraire à l’idée de bon sens selon laquelle la race devient moins pertinente sur le plan social et que le racisme en est donc diminué en ne se concentrant pas tout le temps sur la race. Là où le libéralisme a passé des siècles à soustraire toute signification sociale des catégories raciales une fois qu’il avait été introduit au XVIe siècle, la Théorie critique de la race l’insère à nouveau, et au premier plan.

En fait, comme vous pouvez le deviner maintenant, elle considère l’idée d’« absence de préjugés raciaux » comme l’une des choses les plus racistes possibles, car elle dissimule le véritable racisme. « Si l’absence de préjugés raciaux sonne bien en théorie, en pratique elle est très problématique », écrivent Sensoy et DiAngelo (p. 108). Comme nous l’avons lu dans Delgado et Stefancic :

Les conceptions d’absence de préjugés racistes, ou « formelles », de l’égalité, exprimées dans des règles qui n’insistent que sur un traitement identique pour tous, ne peuvent donc remédier qu’aux formes de discrimination les plus flagrantes, qui se distinguent et attirent notre attention, comme la discrimination à l’hypothèque ou le refus d’engager un docteur noir plutôt qu’un blanc ayant abandonné ses études secondaires. (p. 7)

Bien que ceci constitue un argument — que le fait de n’avoir aucun préjugé racial peut amener quelqu’un à ne pas voir du tout le racisme, même quand il s’agit d’un vrai problème et surtout quand son influence est subtile (c’est ce qu’on appelle le « racisme aveugle ») — le remède que la Théorie critique de la race donne à cette imperfection dans l’approche de cette absence de préjugés raciaux est de faire exactement le contraire. Ainsi, le racisme doit être rendu pertinent dans chaque situation où le racisme est présent, c’est-à-dire dans chaque situation, comme nous l’avons vu au point n°1 énoncé ci-dessus, et il a attaché une importance sociale incroyable à la race et à la façon dont elle prend en compte chaque interaction. Cela signifie que, selon la Théorie critique de la race, vous devez trouver et vous concentrer sur le racisme « caché » sur votre lieu de travail, à l’école, dans votre société, dans votre quartier, dans vos livres, dans votre nourriture, dans votre musique, dans vos passe-temps, dans votre foi, dans votre église, dans votre communauté, dans vos amis, dans vos relations et en vous-même — et dans tout le reste aussi — tout le temps.

Cela va à l’encontre de l’effet prétendument recherché. Bien qu’elle fasse apparaître un racisme légitime que les individus n’auraient pas vu autrement, elle rend toutes nos relations et tous nos systèmes sociaux extrêmement fragiles et tendus, prêts à exploser sur une question qui divise fortement. Elle détourne également les ressources de la réalisation d’un véritable travail ou de l’établissement de véritables relations, parce que chercher et penser au racisme tout le temps demande des efforts. — Selon la Théorie critique de la race, les races minoritaires doivent déjà penser au racisme tout le temps et seuls les blancs ont le privilège de ne pas le faire, mais il s’agit là encore d’une analyse plus que bâclée qui ignore les rapports et les expériences de chaque minorité raciale qui n’est pas d’accord.

7 — La Théorie critique de la race agit comme si toute personne en désaccord avec elle devait le faire pour des raisons racistes et de suprématie blanche, même si ces personnes sont noires

Suite à la thèse de la « construction sociale » évoquée au point n° 4 ci-dessus, la Théorie critique de la race a décrit l’expérience essentielle de chaque groupe racial. Elle juge ensuite les individus — en particulier ceux des races minoritaires — sur leur capacité à témoigner de cette expérience — c’est-à-dire qu’elle juge les individus en fonction de leur adhésion à la Théorie critique de la race. Il est donc impossible de ne pas être d’accord avec la Théorie critique de la race, même si vous êtes noir.

Avant de discuter de l’impossibilité pour les Blancs — et les autres personnes « racialement privilégiées » — d’être en désaccord, examinons quelques exemples poignants. Le musicien noir Kanye West, superstar, a revêtu un chapeau « Make America Great Again » et a déclaré qu’il pensait par lui-même. En réponse, le poète lauréat de la Théorie critique de la race, Ta-Nehisi Coates, a écrit un article très lu suggérant que West n’est plus vraiment noir. Le musicien noir Daryl Davis, qui est surtout connu pour avoir fait sortir des centaines de vrais suprémacistes blancs de leur cagoule du Ku Klux Klan [il les a converti à sortir du Klan – NdT], a essayé une fois d’initier une conversation de ce genre en 2019, et les membres du groupe des « Antifa », « antifasciste » par définition, l’ont qualifié de « suprémaciste blanc » pour avoir accepté de s’associer avec — plutôt que de combattre ou de tuer — les personnes qu’il invitait à avoir une conversation.

Ce phénomène peut s’expliquer. Comme Nikole Hannah-Jones, créatrice du « Projet 1619 » du New York Times Magazine — une historiographie de la Théorie critique de la race et non pas un article d’histoire — a tweeté (puis supprimé) qu’il y a « racialement noir » d’une part, et « politiquement noir » d’autre part. La Théorie critique de la race s’intéresse uniquement à la politique identitaire associée au fait d’être « politiquement noir », et quiconque est en désaccord avec la Théorie critique de la race — même si « racialement noir » — n’est pas admissible. La façon courante de le dire est qu’ils ne sont « pas vraiment noirs ». Cela signifie que dans la Théorie critique de la race, la diversité — qu’elle réclame souvent — ne doit être que superficielle. La politique de chacun doit être d’accord et doit être en accord avec la Théorie critique de la race.

C’est évidemment un problème bien pire pour les blancs ou d’autres personnes qui sont dites bénéficiaires de « privilèges raciaux ». Il y a plus de concepts dans la Théorie critique de la race pour traiter spécifiquement de comment et pourquoi les blancs sont racistes pour avoir été en désaccord avec la Théorie critique de la race que dans peut-être n’importe quelle autre notion. Charles Mills prétend que tous les blancs participent à un « contrat racial » pour soutenir la suprématie des blancs, qui n’est jamais discuté mais qui fait partie du tissu social. Barbara Applebaum affirme que tous les Blancs ont une « complicité blanche » avec la suprématie blanche parce qu’ils bénéficient automatiquement des privilèges des Blancs et de « l’ignorance des Blancs », ce qui est une façon pour eux de refuser délibérément de s’engager — et un engagement correct ne peut être prouvé qu’en étant d’accord. Selon Robin DiAngelo, les blancs bénéficient du « confort blanc » et souffrent donc d’une « fragilité blanche » qui les empêche de faire face à leur racisme par le biais de la Théorie critique de la race. — Par conséquent, dit-elle, tout ce qui maintient le confort des Blancs devrait être considéré comme suspect et nécessite d’être déstabilisé. — Alison Bailey affirme que lorsque des personnes racialement privilégiées sont en désaccord avec la Théorie critique de la race, elles s’engagent dans une « manœuvre défensive » appelée « repli épistémique de préservation des privilèges », ce qui signifie qu’elles ne font qu’argumenter pour conserver leur privilège et ne pourraient en aucune façon avoir de désaccords légitimes. Toutes ces idées associent au racisme les personnes racialement privilégiées chaque fois qu’elles sont en désaccord avec la Théorie critique de la race.

8 — La Théorie critique de la race ne peut être satisfaite

Nous avons déjà vu comment la Théorie critique de la race ne peut être désapprouvée, même pas par les Noirs. Nous avons également découvert la manière dont elle rejette toutes les alternatives et celle qui l’amène à croire que toute réussite se résume à une « convergence d’intérêts ». Parce qu’elle rejette la science, elle ne peut être ni falsifiée ni démontrée fausse sur la base de preuves, et puisqu’elle suppose que le racisme est présent et pertinent dans toutes les situations et interactions, le fait même d’accepter la Théorie critique de la race doit d’une manière ou d’une autre contenir le racisme. La Théorie critique de la race ne peut par conséquent qu’être insatisfaite. Elle est, en ce sens, comparable à un trou noir. Quel que soit le niveau de soutien dont elle bénéficie, elle ne peut être satisfaite et ne peut que se renforcer — et tout ce qui l’approche de trop près sera détruit.

Cela signifie que si votre lieu de travail adopte la Théorie de la race critique, les militants finiront par formuler des revendications et menaceront de semer le désordre s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent. — Ils ne demandent généralement pas. — Quand bien même vous céderiez à leurs revendications, ils ne seront en rien satisfaits, puisque la Théorie critique de la race ne peut pas être satisfaite. Avant même d’avoir fait quoi que ce soit, ils ont la certitude qu’à cause de votre racisme vous commettrez des injustices. Vous l’aurez fait par « convergence d’intérêts », pour améliorer votre image de raciste. Vous l’aurez fait d’une manière qui n’a fait que créer de nouveaux problèmes assimilables au racisme. Vous ne l’avez pas fait plus tôt, plus vite ou mieux à cause de votre racisme. Quoi que vous fassiez, la situation qui en résulte doit contenir le racisme, et le travail de l’activiste de la Théorie critique de la race consiste à le détecter et à vous demander des comptes.

Par conséquent, céder à une demande de la Théorie critique de la race ne peut l’apaiser. Elle peut toutefois signaler que vous céderez face à leurs exigences, lesquelles continueront alors à affluer et à s’intensifier. Comme nous l’avons vu précédemment par d’innombrables exemples dans le monde des entreprises, ces exigences incluront des appels sollicitant la démission de votre poste pour le céder à des militants, et là encore ils ne seront pas satisfaits. Et si l’entreprise fait faillite suite à toutes ces perturbations, le racisme sera là aussi le responsable de ce fiasco.

Et ce n’est pas tout !

Il s’agit là d’une description sinistre mais juste de la Théorie critique de la race et, pire encore, elle est terriblement incomplète. Il existe en son essence même d’autres hideuses idées relevant du même schéma que nous n’avons pas le temps d’énumérer ici. Il s’agit notamment des notions selon lesquelles :

  • le racisme ne s’améliore guère — voire pas du tout ;
  • l’égalité constitue en soi une source de racisme ;
  • les personnes qui bénéficient du « racisme » n’ont aucune réelle motivation à se dresser contre le racisme ;
  • le racisme est un conflit à somme nulle organisé par les Blancs pour exclure tous les autres de toute véritable perspective sociale ;
  • les races ne peuvent pas vraiment se comprendre — tout en exigeant qu’elles le fassent et que le racisme soit la cause exclusive d’un inévitable échec ;
  • les personnes racialement privilégiées sont intrinsèquement oppressives et toutes les autres sont intrinsèquement oppressées — un principe dérivé du marxisme appliqué aux groupes raciaux ; et
  • la seule façon de mettre fin au racisme réside dans une révolution sociale qui démantèlerait entièrement la société actuelle et la remplacerait par un concept issu de la Théorie critique de la race.

On peut aisément concevoir les types de problèmes créés par la mise en pratique de ces doctrines, et constater avec horreur la manière dont la Théorie critique de la race s’attaque constamment aux meilleures parties de notre nature pour atteindre ses objectifs — ce qui, si elle était pertinente et elle ne l’est pas, ne laisse le plus souvent à son opposition que les pires candidats, de vrais suprématistes blancs, qu’elle utilise ensuite comme preuve de ses fausses revendications.

Par conséquent, il existe de nombreuses bonnes raisons, qui n’ont rien à voir avec le racisme réel, de rejeter la plupart des doctrines de la Théorie critique de la race. Les personnes honnêtes ont elles toutes les raisons de la rejeter en faveur de meilleures alternatives, et la principale raison pour laquelle elles ne le font pas est due à leur ignorance des fondements de cette théorie et au fait qu’elles considèrent les notions qui en émanent comme généralement fondées et justifiées.

En résumé, nous pouvons constater que la Théorie critique de la race est une manière vraiment calamiteuse de traiter des questions raciales et du racisme, et cela serait vrai même si chaque problème — ou « problématique » — qu’elle souligne était entièrement vrai. Il s’agit tout simplement d’une mauvaise stratégie pour résoudre ces problèmes, et, comme ses défenseurs le diraient eux-mêmes s’ils en tiraient les mêmes conclusions, nous avons l’obligation de nous instruire — sur les problèmes et les faiblesses de la Théorie critique de la race — et de faire mieux — que ce qu’ils peuvent espérer faire.

À propos de l’auteur : Mathématicien, auteur et commentateur politique d’origine américaine, le Dr James Lindsay a écrit six livres couvrant un large éventail de sujets, dont la religion, la philosophie des sciences et la théorie postmoderne. Il est le co-fondateur de New Discourses et fait actuellement la promotion de son nouveau livre How to have impossible conversations [« Comment avoir des conversations impossibles » – NdT].

Source de l’article initialement publié en anglais le 12 juin 2020 : New Discourses
Traduction
: Sott.net

Source: Lire l'article complet de Signes des Temps (SOTT)

À propos de l'auteur Signes des Temps (SOTT)

« Un combat quotidien contre la subjectivité. » « Le Monde pour les gens qui réfléchissent ! »Signs of the Times ou SOTT.net a été lancé le 26 mars 2002.SOTT.net est un projet de recherche sans but lucratif du Quantum Future Group (QFG). Le projet comprend la collecte, la mise en forme et l'analyse des sujets d'actualité qui semblent le mieux refléter les 'énergies' sur la planète. De surcroît, cette recherche note si les êtres humains, individuellement ou collectivement, peuvent réellement se souvenir d'un jour à l'autre de l'état de la planète et s'ils sont capables de lire précisément cette information et prendre des décisions intelligentes sur leur avenir, fondées sur cette connaissance. En bref, SOTT.net est une expérience.

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