L'euronouillerie dans tous ses états

L'euronouillerie dans tous ses états

Qu’il était bon le temps où les indolentes euronouilles pouvaient se lover sous l’aile protectrice du suzerain américain. Pas de décisions à prendre, pas de responsabilités ; la ligne directrice venait de Washington et il n’y avait qu’à la suivre. Ô douce soumission, confort de l’éternel mineur, du vassal.

Jamais sans doute la servilité européenne ne fut aussi grande qu’au début des années 2010. Une flopée de dindons dociles, au premier rang desquels le flamby élyséen, entourait sa majesté Barack à frites, prix Nobel multi-guerres de la paix. Pour Bruxelles & Co, l’apparence compte en effet beaucoup et les Démocrates, souvent plus impérialistes encore que les Républicains, ont toujours été très forts pour y mettre les formes et placer leurs inféodés là où ils le voulaient : bien au fond de leur poche. Pensons par exemple à Bill Clinton qui, en son temps, avait embarqué Chirac et sa bande dans l’invraisemblable aventure kosovarde.

Tonton Sam était aux anges. Lui qui, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, a mis la construction européenne sur les rails afin d’avoir un Vieux continent à sa main voyait ses efforts pleinement récompensés. Puis vinrent les premières craqûres…

En 2016, Brexit et élection donaldienne envoyèrent des ondes de choc dans les tréfonds du système impérial. Perdue, affolée, l’Union Ectoplasmique se perdait en torrents de lamentations menaçant de submerger le mur du même nom. Désormais livrés à eux-mêmes, les europoulets sans tête se sont mis à courir en tous sens dans un sauve-qui-peut général. Certains ont voulu s’arc-bouter fanatiquement sur «plus d’Europe», d’autres ont commencé à s’égailler dans la nature. Une chose est sûre : la belle machine est cassée et l’âge d’or impérial sur le Vieux continent est révolu. Comme un symbole, plusieurs informations récentes sont venues le confirmer.

Il y a quelques jours, des manifestations ont éclaté contre l’UE à Rome et à Milan. Sans surprise, la chose a été totalement passée sous silence par notre bonne vieille presse libre (défense de rire). Les protestataires, en nombre relativement important étant donné les circonstances, ont réclamé la fin de l’euro et appelé de leurs vœux un Italixit. Rien de surprenant après le fiasco coronaviral de Bruxelles.

Les Italiens, qui ont d’ailleurs toujours été quelque peu en décalage avec le reste des eurocrates (pensons à Mattei, à Salvini, aux bonnes relations avec Moscou quel que soit le gouvernement), ont, plus que les autres, pris conscience pendant la pandémie de la faiblesse intrinsèque de l’UE. L’on se rappelle ces drapeaux bleus à étoiles jaunes arrachés des bâtiments officiels, y compris par les maires eux-mêmes, et cette sourde colère devant l’indifférence des «partenaires». L’euro-scepticisme est généralisé. L’américano-scepticisme est doucement en train de le rejoindre…

Si les sondages politiques débités quotidiennement sont généralement artificiels au possible, l’exercice (mené avec plus de sérieux) peut se révéler très pertinent quand il porte sur les questions internationales. A la question de savoir avec quel pays Rome devrait développer une relation proche, 36% des Italiens indiquent la Chine, contre 30% pour les Etats-Unis. Le soft power humanitaire chinois semble avoir fait son effet, même si Washington a immédiatement réagi en actionnant son bras médiatique pour discréditer Pékin.

Sans grand succès apparemment si l’on en croit d’autres enquêtes peu ou prou similaires menées dans plusieurs pays européens. 28% seulement des Britanniques font confiance aux Etats-Unis pour agir de manière responsable dans le monde, soit une dégringolade de 13% depuis le début de l’année. Où est donc passée la special relationship si chère aux «élites» politiques britanniques ?

En Allemagne, pays occupé par l’US Army depuis 1945 et dont les dirigeants ainsi que les services secrets sont dans la main américaine, 36% pensent que la Chine doit être le principal partenaire de Berlin contre 37% pour les Etats-Unis. Certes, Washington conserve une petite avance, mais celle-ci était de 26 points en septembre dernier.

Plus surprenante encore est la situation en Pologne, pays traditionnellement américanophile entre tous. Une guerre de l’information sans merci a éclaté entre l’ambassadrice US et son homologue chinois, et, à la surprise générale, les médias sont restés d’une inhabituelle neutralité. Rzeczpospolita, le plus grand quotidien du pays, a par exemple offert à deux reprises une véritable tribune à l’envoyé de Pékin, que la partie américaine s’est empressée de qualifier de «propagande».

Dans un article mélancolique au titre révélateur – « Dans la guerre froide post-pandémique, les Etats-Unis sont en train de perdre l’Europe » -, la revue impériale Foreign Policy résume bien le sentiment général qui prévaut chez les petits génies du Potomac. Et ce n’est pas cette pitrerie anecdotique en provenance de Prague qui les consolera…

Début mai, nous rapportions le dernier accès de démence russophobe en date :

Le courageux Washington Post a, quant à lui, choisi de mettre au jour une monstrueuse conspiration sino-russe. Tout commence il y a trois semaines, lorsqu’un tabloïd tchèque rapporte le «scoop» qu’un agent russe bardé de ricin a débarqué à Prague pour y assassiner le maire et deux autres cibles, rien que ça. Même le Moscow Times, pourtant opposant presque déclaré à Poutine, ridiculise la chose et parle de «fantaisie» : les deux pays avaient déjà fermé leurs frontières ; facilement détectable, le ricin est une signature évidente ; la ville était confinée et les mouvements surveillés ; surtout, la nouvelle ne reposait que sur une source anonyme. Bref, un canular.

Pas de quoi cependant décourager les tenaces plumitifs du Post qui ont trouvé la parade dans un article sobrement intitulé «Une menace plus durable qu’un virus». En invité d’honneur, photo en bonne place, l’abominable Vladimirovitch des neiges. L’explication est lumineuse : l’année dernière, des drapeaux tibétains ont flotté en signe de solidarité sur les toits de la mairie de Prague. Pékin voulait donc se venger et a fait appel aux Russes. Bon sang mais c’est bien sûr, comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ?

Sans surprise, l’intox vient d’être éventée et le gouvernement tchèque a reconnu que tout était faux mais a quand même… expulsé deux diplomates russes ! L’explication vient tout droit d’un roman-feuilleton écrit en hôpital psychiatrique : l’ambassade russe a conspiré et créé de toute pièce cette intoxication (qui lui était pourtant préjudiciable). C’était donc ça…

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À propos de l'auteur Chroniques du Grand Jeu

« La géopolitique autrement, pour mieux la comprendre... »Présent à l'esprit de tout dirigeant anglo-saxon ou russe, le concept de Grand jeu est étonnamment méconnu en France. C'est pourtant lui qui explique une bonne part des événements géopolitiques de la planète. Crise ukrainienne, 11 septembre, tracé des pipelines, guerre de Tchétchénie, développement des BRICS, invasion de l'Irak, partenariat oriental de l'UE, guerre d'Afghanistan, extension de l'OTAN, conflit syrien, crises du gaz, guerre de Géorgie... tous ces événements se rattachent directement ou indirectement au Grand jeu. Il ne faut certes pas compter sur les médias grand public pour décrypter l'état du monde ; les journaux honnêtes font preuve d'une méconnaissance crasse, les malhonnêtes désinforment sciemment. Ces humbles chroniques ont pour but d'y remédier. Le ton y est souvent désinvolte, parfois mordant. Mais derrière la façade visant à familiariser avec la chose géopolitique, l'information est solide, étayée, référencée. Le lecteur qui visite ce site pour la première fois est fortement invité à d'abord lire Qu'est-ce que le Grand jeu ? qui lui donnera la base théorique lui permettant de comprendre les enjeux de l’actuelle partie d’échecs mondiale.Par Observatus geopoliticusTags associés : amerique latine, asie centrale, caucase, chine, economie, etats-unis, europe, extreme-orient, gaz, histoire, moyen-orient, petrole, russie, sous-continent indien, ukraine

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