Réapprendre à s’occuper de nos vieux

Réapprendre à s’occuper de nos vieux

Au moment d’écrire ces lignes, cela fait maintenant onze semaines que la crise sanitaire a débuté au Québec. Presque trois mois d’un déni collectif ahurissant sur fond d’arcs-en-ciel gribouillés par des enfants de maternelle et de slogan jovialiste creux comme quoi ça va bien aller. La réalité, c’est que ça ne va pas bien du tout.

L’abcès qui grossissait depuis des décennies a fini par éclater et le résultat est loin d’être encourageant. La situation dans les CHSLD et dans les maisons pour ainés est à ce sujet parlante. Il y a des lunes que nous savons tous que le système public est fissuré de partout. Indépendamment des gouvernements successifs, il y a des années que l’on pelte collectivement de l’argent à coup de milliards dans des structures aux acronymes souvent incompréhensibles qui sont toujours incapables de laver nos personnes âgées plus d’une fois par semaine. Ce service cinq étoiles est bien entendu offert dans de magnifiques bâtiments tout aussi ternes que vétustes. 

Il faut combattre l’idée selon laquelle les vieux ne servent plus à rien, que leur temps est révolu […]. Il faut qu’on favorise au maximum des milieux de vie mixtes où les interactions entre les générations sont la norme.

Le plus insensé devant cette tragédie nationale bien antérieure à la pandémie est la réponse dichotomique de la majorité des Québécois. Évidemment, socialement, on chiale un peu de temps en temps contre le manque d’humanité et de dignité du système… Mais — et là gros « mais » , le tout en continuant à « corder » les vieux en rang d’ognons dans ces cages à poules séparées par des rideaux de coton d’un blanc immaculé. 

Un mauvais réflexe

Si pépère ou mémère n’est plus entièrement autonome, le réflexe inné est de se dire que l’État va s’en occuper. Alors, envoyons-les au plus sacrant dans le parking à vieux, la maison de retraite privée s’ils ont de l’argent, publique s’ils n’en ont pas — ou si on lorgne l’héritage… Ou encore pire, le CHSLD, si pépère ou mémère est trop magané. Et ce même si on sait très bien dans quelles conditions médiocres ils risquent de finir leurs jours.  

On le savait sans vouloir se l’admettre bien avant la crise sanitaire, cette façon de s’occuper de nos vieux est un échec lamentable. Présentement, nous en voyons les conséquences funestes.

Au mieux, nos vieux sont emprisonnés depuis des mois dans leur résidence. Au pire, ils meurent comme des mouches dans des espaces clos, mal ventilés, mal équipés, et ce malgré tous les efforts des valeureux travailleurs de la santé et des militaires qui se démènent dans un contexte de manque chronique de ressources.

Ce qui est pire encore, c’est qu’à force de se fier à l’État ou au privé pour tout, c’est comme si collectivement on avait oublié comment s’occuper nous-mêmes de nos ainés. À tout déléguer à gouverne-maman tout comme au grand capital, on finit immanquablement par ne se sentir responsable de rien.

Une vieille notion un peu démodée

Dans un monde idéal, l’aide de l’État ou d’une maison de retraite privée devrait être perçue comme un dernier recours. Nous aurions avantage à mettre de l’avant un changement de mentalité qui entrainerait une prise de conscience individuelle. Cela encouragerait le maintien à domicile de nos ainés et surtout la responsabilisation des enfants des « vieux ».

Bref, on aurait socialement tout intérêt à miser sur une vieille notion un peu démodée : la famille.

Pourquoi ne pas revenir au modèle millénaire qui veut que les générations plus jeunes s’occupent de leurs ainés au sein de la cellule familiale ? Il y aura certes toujours des cas qui médicalement nécessiteront des hospitalisations prolongées, mais il est faux de croire que tous les ainés sont des cas lourds. La plupart des personnes âgées ne sont… qu’âgées ! Un peu ralenties à cause du vieillissement, mais sans plus. Il y a des hordes de vieux autonomes et semi-autonomes dans les résidences du Québec.

L’utilité oubliée de la vieillesse

Et c’est justement ce ralentissement qui dérange et qui fait enclencher si facilement l’idée de placer les ainés. C’est sur ce point précis qu’il faut revenir à la notion de famille. Il faut combattre l’idée selon laquelle les vieux ne servent plus à rien, que leur temps est révolu et qu’ils doivent se contenter d’attendre la mort dans une chambre exigüe. 

Il faut qu’on favorise au maximum des milieux de vie mixtes où les interactions entre les générations sont la norme.

Il est évident que les personnes âgées peuvent avoir besoin de l’aide des plus jeunes. On comprend tous facilement qu’avec l’âge les tâches deviennent plus ardues et que des bras plus jeunes auront plus de facilité. Mais ce que les vieux perdent en force et en rapidité, ils l’ont gagné en expérience et en sagesse ! En gardant les personnes âgées dans nos milieux de vie, on éviterait ainsi de créer des ghettos, ce qui favoriserait la transmission des savoirs et la santé mentale de tous. Le tout en évitant de concentrer au même endroit des gens plus vulnérables médicalement. 


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