SOTT FOCUS: Éthique et valeurs fondamentales en période de Corona

SOTT FOCUS: Éthique et valeurs fondamentales en période de Corona

Quand il s’agit de la prétendue crise du Corona, tout le monde semble parler de chiffres. Le virus n’est-il pas à peine plus dangereux que la grippe ? Si tel est le cas, pourquoi n’avons-nous pas imposé des mesures de confinement pour la grippe saisonnière ? Et même si le Covid-19 est pire que la grippe, les mesures de confinement ne tuent-elles pas plus de gens que le virus lui-même ?

Morality, good and evil, devil and angel

© Inconnu

Bien que ces arguments soient valables et importants, ils reposent néanmoins sur une compréhension utilitariste simpliste de l’éthique : il s’agit de calculer le meilleur résultat, de compter les morts, de maximiser le bien-être de l’humanité en mettant deux choses en balance : le virus et les mesures de confinement. Le débat ne porte que sur les variables.

Mais je pense que la plupart de ceux d’entre nous qui critiquent l’hystérie actuelle ressentent en leur for intérieur que ce raisonnement est faussé, et cela n’a pas grand-chose à voir avec les chiffres.

Supposons que ce virus soit vraiment meurtrier et que nous puissions raisonnablement nous attendre à ce qu’il tue, disons, 10% de la population de chaque pays. Accepteriez-vous les mesures actuelles dans ce cas-là ? Trouveriez-vous normal que l’État vous retire la liberté et la responsabilité de prendre les bonnes décisions dans votre vie ? De rendre visite à un ami en difficulté, de serrer votre père dans vos bras, d’aller à l’église ou de vendre vos produits et services à ceux qui sont encore prêts à les acheter ?

Plus précisément, ne devriez-vous pas être à même de décider si vous voulez prendre le risque de rendre visite à vos parents fragiles – par exemple, si vous n’avez pas de symptômes – parce que cette bienveillance et cette attention envers vos parents l’emportent sur le risque de transmettre le virus ? Les personnes âgées ne devraient-elles pas décider par elles-mêmes si elles veulent ou non embrasser leurs petits-enfants ? Ou encore, n’est-ce pas à vous de décider si vous voulez retrouver – ou non – des amis pour faire de la musique, en pesant le pour et le contre, en mettant en balance le risque de mort et ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue ?

Si votre réponse est non à l’une ou plusieurs de ces questions, vous êtes dans le pétrin. Parce que dans le monde d’aujourd’hui, il semble que nous n’ayons pas les connaissances qui nous permettraient de justifier l’intuition que certaines choses ne devraient jamais être interdites, que certaines libertés ne devraient jamais être restreintes, et que certaines choses ne devraient jamais être dictées par l’État. Si nous disons que nous voulons aller à l’église ou embrasser nos parents, ou rendre visite à un ami qui a besoin de nous, et que quelqu’un nous répond que cela pourrait tuer des gens et que certainement, éviter la mort est plus important que serrer son père dans ses bras, que pouvons-nous répondre à cela ? Cela nous laisse sans voix. Oui, nous voyons plus ou moins où cette personne veut en venir… mais…

En outre, nous référer à la constitution n’est pas suffisant. Si nous ne comprenons pas pourquoi quelque chose figure dans la constitution en premier lieu et que nous sommes incapables de le défendre, ne serait-ce que vis-à-vis de nous-mêmes, alors pourquoi quiconque devrait-il s’en soucier ? Les gens feront simplement remarquer que sauver des vies est plus important que tel ou tel argument juridique mesquin.

Prenons donc un peu de recul et éclairons le contexte philosophique de nos constitutions occidentales, avant de faire le lien avec les mesures « anti Corona ».

John Stuart mill

© Inconnu
Le penseur libéral John Stuart Mill

Plaisirs supérieurs versus plaisirs inférieurs

Comme je l’ai mentionné, d’un point de vue strictement utilitariste, tel qu’il fut prôné par Jeremy Bentham à la fin du XVIIIe siècle, il suffit de regarder le plus grand bonheur du plus grand nombre de gens pour décider d’une action donnée. Il faut donc compter les morts, mesurer les conséquences économiques, etc. Mais ce concept finit par s’effondrer sous le poids de problèmes éthiques et métaphysiques familiers dès lors que l’on s’interroge sur la définition du « bonheur » ou du « bien-être ».

Une mort compte-t-elle plus qu’un millier de chômeurs ? D’ailleurs, comment mesurer la valeur négative d’une mort en termes de « bonheur » ? Prolonger d’un an la vie d’un vieil homme vs empêcher 10 personnes d’observer leur religion pendant un an ? Deux familles ruinées par le confinement vs un grand-père mort ? Il est clair que cela ne nous mène nulle part. Il n’y a pas d’autre moyen que de poser cette question épineuse : qu’est-ce que le bonheur ?

Même John Stuart Mill, qui est généralement considéré comme un penseur utilitariste, était bien trop intelligent pour adhérer à la pure doctrine de « maximisation du plaisir » de son mentor Bentham, et il l’a tellement modifiée qu’elle n’a plus grand chose à voir avec la formule simpliste de Bentham. Mill écrit :

Si l’on me demande ce que j’entends par différence de qualité dans les plaisirs, ou comment la valeur d’un plaisir comparé à un autre peut être connue autrement que par un rapport de quantité, je ne vois qu’une seule réponse possible. Si entre deux plaisirs, tous ou presque tous ceux qui les ont expérimentés choisissent l’un des deux […], celui-là sera le plaisir le plus désirable. Si l’un de ces deux plaisirs est placé par les gens compétents très au-dessus de l’autre quoiqu’il soit difficile à atteindre, si on refuse d’abandonner sa poursuite pour la possession de l’autre, on peut assurer que le premier plaisir est bien supérieur au second en qualité quoiqu’il soit moindre peut-être en quantité. (II 5)

Pour Mill, il existe donc des plaisirs supérieurs et des plaisirs inférieurs, et les plaisirs supérieurs sont préférables, même s’ils peuvent entraîner un certain inconfort. Cela implique que les formes de plaisir plus élevées peuvent comporter (et comportent souvent) des risques. L’héroïsme est un exemple extrême, où l’on peut mourir en pratiquant une activité qui nous procure la forme de plaisir la plus élevée. Mais nos expériences de vie nous montrent que même si les plaisirs de nature supérieure comportent des risques, ils en valent la peine – qu’il s’agisse de tenter de se surpasser sur son VTT ou de prendre des risques pour les autres.

Pensez à une vieille grand-mère fragile. Elle pourrait exiger d’être attachée à son lit et d’être mise sous morphine, ce qui est effectivement très agréable ! Mais peu de grands-mères exigeraient cela, et nous ne l’encourageons certainement pas, car nous reconnaissons la distinction entre les plaisirs inférieurs et les plaisirs supérieurs dont parle Mill. Au contraire, nous encourageons cette mamie à se rendre au supermarché toute seule, même si elle court un grand risque de tomber et de mourir. Ou d’attraper la grippe et de mourir. Ou de propager la grippe et de tuer d’autres personnes. Ou de mourir de froid. Nous l’encourageons, parce que nous savons qu’être aussi autonome que possible donne à cette mamie une forme de plaisir plus élevé que de végéter sous morphine dans son lit.

Immanuel Kant

© Inconnu
Emmanuel Kant a eu une énorme influence sur la pensée et le droit occidentaux.

Mais pouvons-nous objectivement distinguer les plaisirs supérieurs des plaisirs inférieurs ? Emmanuel Kant souligne que l’autonomie de la volonté est un élément crucial à cet égard : si nous agissons librement en nous fondant sur la compréhension de notre esprit, par opposition à nos désirs ou de simples stimuli extérieurs, alors nous pouvons agir moralement. Cela conduit à une forme de plaisir plus élevée. Et cela relève du sens commun : par exemple, peu de gens nieraient que se faire plaisir en mangeant des gâteaux toute la journée est une forme de plaisir inférieure, comparé au fait de sacrifier son confort dans l’intérêt d’autrui parce qu’on est arrivé à la conviction profonde que c’est la bonne chose à faire.

De plus, Kant pensait qu’il existe des lois abstraites régissant la vie morale, et que ces principes sont accessibles à notre compréhension, principes qui ensuite, parce que nous les reconnaissons comme authentiques, agissent comme une force contre nos impulsions et nos simples désirs. C’est ainsi que naissent les « plaisirs supérieurs » de Mill. Mais si nous reconnaissons, comme nous devons le faire, que ces actions morales vont à l’encontre de nos pulsions et de nos désirs inférieurs – y compris l’instinct de conservation et la recherche du confort – alors nous devons arriver à la conclusion que l’évitement du risque, et en fait l’évitement de la mort, ne pourront jamais être les valeurs les plus importantes. Faire de l’évitement de la mort la valeur la plus élevée reflète une vision du monde appauvrie qui nie la possibilité même, pour le « monde de l’esprit » de Kant, de surmonter et d’enrichir le monde matériel.

Pour Kant, notre capacité à raisonner et à parvenir à une bonne compréhension des lois morales, et donc à influencer le monde naturel, est ce qui nous rend humains – et ce qui nous permet d’opérer dans un monde différent, le monde de l’esprit, au-delà du monde des simples apparences. C’est cette idée qui mène au concept de dignité humaine et de valeur non négociable de l’être humain.

La valeur d’un être humain

Kant recommande dans cette célèbre citation :

L’impératif sera donc celui-ci : agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen.

On ne doit pas nécessairement comprendre cela comme une règle pratique qui doit guider nos décisions quotidiennes. Il s’agit plutôt d’un argument philosophique important : les êtres humains ne devraient jamais être traités comme de simples objets, de simples outils qui servent à atteindre un objectif quelconque, pour la simple raison qu’ils ne sont pas des objets. Ils sont des sujets souverains, capables de raisonner et de comprendre, et capables d’actions morales fondées sur la compréhension. C’est pourquoi, selon les mots de feu Roger Scruton, philosophe conservateur spécialiste de Kant, nous devrions toujours nous placer sur un pied d’égalité avec les autres êtres humains. Notre perception des autres et notre relation à eux devraient être celles d’un Sujet à un autre Sujet.

Nous tenons souvent pour acquise l’idée que chaque être humain a une valeur intrinsèque, mais nous avons tort, surtout à la lumière de certaines théories à la mode qui proclament que nous ne sommes que des machines déterministes sans aucun libre arbitre, guidées par des gènes égoïstes. Il est évident que ces machines n’ont ni valeur intrinsèque ni droits – parce qu’elles n’ont aucune responsabilité. Nos traditions philosophiques et juridiques sont donc fondées sur une conception de l’homme comme un être libre et responsable – un agent moral autonome, selon la terminologie de Kant.

Si nous attribuons une valeur intrinsèque à l’homme, ce n’est pas parce que « tout être humain est foncièrement bon » – nous savons que ce n’est pas vrai – mais parce que chaque être humain est responsable de ses actes et a donc le potentiel d’agir de façon éthique en se basant sur sa propre compréhension. Ou pas : les gens font le mal, et souvent de façon spectaculaire. Mais comme il y a toujours une possibilité de rédemption, toujours la possibilité (aussi infime soit-elle) de parvenir à une compréhension plus profonde et plus juste des lois régissant la moralité, chaque vie humaine aura toujours de la valeur (sans compter qu’il est souvent difficile de distinguer le bien du mal de toute façon).

Nous reconnaissons instinctivement ce caractère sacré de l’autonomie morale. Par exemple, nous pouvons et devons nous occuper des criminels. Mais nous savons qu’il y a des limites à cela : nous attachons de l’importance à une procédure régulière, même s’il pourrait être plus efficace de lutter contre la criminalité en tabassant tout le monde à la moindre transgression. Ou pire encore, imaginez que nous puissions développer une sorte de technologie qui « reprogramme » chaque esprit de sorte que chacun ressente une douleur atroce à la seconde où il pense à commettre un crime. Souhaitez-vous qu’une telle chose soit déployée ? J’espère que non. C’est l’essence des films dystopiques, dont le but est de mettre en garde contre les sociétés totalitaires qui utilisent l’excuse de « sauver des vies » pour violer éhontément nos valeurs les plus profondes, comme l’autonomie de l’esprit, perdant ainsi toute légitimité. Un criminel dont l’esprit est artificiellement contraint de s’abstenir de pensées criminelles n’agit pas sur la base d’une compréhension des lois qui régissent le « monde de l’esprit ». En fait, on priverait le criminel de toute possibilité de rédemption, de parvenir par lui-même à cette compréhension. Une telle technologie de modification de l’esprit serait une monstruosité, peu importe le nombre de vies qu’elle permettrait de sauver.

On voit donc que l’autonomie morale et l’idée que chaque être humain a une valeur sont liées. Les droits garantis par nos constitutions, ainsi que les droits de l’homme, sont fondés sur notre valeur intrinsèque en tant qu’êtres humains, qui s’exprime dans la liberté et la responsabilité : l’autonomie morale. Il n’est donc pas étonnant que les libertés occupent une place aussi importante dans nos constitutions.

Cependant, les libertés ont des limites pratiques et juridiques – et pour de bonnes raisons. Vous ne pouvez pas faire ce que vous voulez sans répercussions juridiques. Mais vous ne pouvez jamais perdre votre valeur intrinsèque, qui repose sur votre autonomie en tant qu’agent moral. Plus précisément, tous les autres droits découlent de cette idée centrale. Si vous abandonnez ce concept fondamental, vous perdez la justification de tous les autres droits, et donc la justification de les protéger. Cela inclut le droit à la vie.

Il va sans dire que ce raisonnement, dont les pionniers sont les penseurs des Lumières qui ont cherché à défendre de manière rationnelle la valeur intrinsèque de l’être humain sans recourir (solution de facilité) à la Bible, est la principale ligne de défense intellectuelle dont nous disposons contre les formes modernes de tyrannie étatique. Après tout, une dictature orwellienne ou un Meilleur des Mondes huxleyien nous garderont peut-être en sécurité et bien nourris, confinés dans nos maisons et accros à la morphine comme notre pauvre grand-mère (ou, au cas où vous n’auriez pas compris, placés en quarantaine chez nous, accros à Netflix, aux jeux vidéo et au porno). Mais, à l’instar de Kant et des penseurs libéraux, nous reconnaissons que si nous sommes privés de notre autonomie en tant qu’agents moraux, nous sommes privés de notre valeur même en tant qu’êtres humains, et nous perdons donc tous nos droits – même notre droit à la vie. Ce qui rend toutes les mesures « pour notre sécurité » inutiles et hypocrites.

C’est aussi la raison profonde (kantienne) pour laquelle la torture est strictement interdite dans la plupart des pays civilisés. Si nous torturons quelqu’un pour « sauver des vies », par exemple, nous détruisons immédiatement la raison même pour laquelle ces vies devraient être sauvées en premier lieu. Pourquoi sauver quelqu’un si nous ne supposons pas que chaque vie a une valeur intrinsèque fondée sur l’autonomie morale ? Et si nous supposons cela, comment pourrions-nous détruire l’esprit d’une personne, sa liberté intellectuelle, son essence même en tant qu’agent moral, en la torturant, même si cette personne est peut-être un « mauvais élément » ?

Bien que certains de ces arguments puissent être difficiles à avaler pour certains, je pense qu’il devrait être clair maintenant que le slogan « chaque vie compte ! » est ridicule. Nous devrions plutôt dire : « la dignité de chaque être humain compte », ou « chaque vie compte parce qu’elle appartient à un sujet souverain et non au simple objet d’un programme quelconque ». Ce qui, bien sûr, conduit à la question suivante : si l’État traite une population entière comme de simples vecteurs potentiels de propagation du virus, s’il nous enlève notre dignité d’agents moraux responsables et nous prive de certains des moyens les plus fondamentaux d’exprimer cette autonomie, d’exprimer notre compréhension du monde moral – par exemple en montrant de l’affection à des proches et à des amis malgré le danger – l’État ne perd-il pas toute justification pour agir au nom du bien ?

Dans l’ensemble, je pense que la raison principale pour laquelle l’hystérie actuelle nous met si mal à l’aise n’est pas que les chiffres qu’on nous présente sont incohérents. La raison, c’est que nous sommes traités comme des idiots télécommandés, réduits à des morceaux de viande sans valeur ni aucune autonomie morale, à de simples machines à répandre des virus à qui il faut dire ce qu’il faut faire et qui sont censés abandonner l’essence de ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. C’est une guerre qui se déroule dans la sphère du « monde de l’esprit et de la raison » de Kant – et cette guerre est menée contre nous. Et c’est bien pire que la mort.

Questions constitutionnelles

Le contexte philosophique que je viens d’exposer éclaire une grande partie de notre compréhension du droit constitutionnel même si, souvent, nous ne pouvons la mettre en mots. C’est pourquoi j’espère que certaines de nos plus hautes instances juridiques donneront une raclée aux responsables de l’actuelle tyrannie du Corona. C’est sans doute un vœu pieux, compte tenu du degré de corruption qui règne dans notre monde. Mais je suis convaincu que dans un monde raisonnable, c’est précisément ce qui se passerait.

Parliament Assembly Constitution Germany

© Inconnu
Après neuf mois de consultation, le Conseil approuve la constitution allemande en 1949.

Prenons l’exemple de la constitution allemande. C’est important, car notre constitution, appelée Loi fondamentale, a été rédigée directement après l’expérience nazie. Ses auteurs se sont donné beaucoup de mal pour rendre la ré-émergence d’un tyran en puissance aussi difficile que possible. En outre, ils ont utilisé des concepts modernes pour entériner certaines de nos valeurs les plus profondes, contrairement aux anciennes constitutions, qui ne prenaient parfois pas la peine d’énoncer ces choses. La raison en est peut-être que les gens de l’époque ne pouvaient pas imaginer que les tyrannies fussent justifiées par un droit absolu à la sécurité, car ils considéraient comme acquis des concepts tels que la nature divine des êtres humains, et même l’immortalité de l’âme. Dans la mesure où les dirigeants montraient des tendances tyranniques, ils utilisaient différentes justifications, tels que des arguments religieux et moralisants. Les Allemands après Hitler, d’autre part, savaient exactement à quel point le prétexte de « sauver le peuple allemand du mal » peut être dangereux, et comment il peut être utilisé abusivement pour nous mettre en cage tels des animaux.

Par conséquent, le premier article de notre constitution n’est pas le « droit à la vie » ou quelque chose comme ça, mais ceci :

Article 1

(1) La dignité de l’être humain est intangible [irrévocable]. Tous les pouvoirs publics ont l’obligation de la respecter et de la protéger.

C’est le premier article, et les termes employés sont sans appel : « intangible ». En outre, d’un point de vue légal, cet article est virtuellement sans limites ! Dans la loi, il l’emporte sur tout, sans exception. Il est également immuable – même le Parlement ne pourrait le modifier par une loi votée à l’unanimité. Il est valable « pour toujours » (article 79). C’est le résultat de l’expérience de la République de Weimar, mais cela découle aussi directement du contexte philosophique qui reconnaît que la valeur intrinsèque d’un être humain est plus importante que la vie biologique elle-même (qui appartient au monde des apparences de Kant) .

Examinons maintenant l’article 2 de la constitution allemande :

Article 2
[Libertés individuelles]

(1) Chacun a droit au libre épanouissement de sa personnalité pourvu qu’il ne viole pas les droits d’autrui ni n’enfreigne l’ordre constitutionnel ou la loi morale.

(2) Chacun a droit à la vie et à l’intégrité physique. La liberté de la personne est inviolable. Des atteintes ne peuvent être apportées à ces droits qu’en vertu d’une loi.

Notez que le paragraphe (1) met l’accent, une fois de plus, sur la liberté. Plus précisément, il s’agit du « libre épanouissement de la personnalité », ce qui renvoie à l’idée kantienne selon laquelle notre valeur intrinsèque réside dans notre autonomie morale. C’est notre dignité. Tout l’article est placé sous la bannière des « libertés individuelles ». Et ce n’est qu’ensuite, dans le paragraphe 2, qu’apparaît le « droit à la vie », qui, soit dit en passant, est avant tout un droit contre l’État, et aussi une obligation de l’État de protéger ce droit contre des tiers (c’est-à-dire la persécution des criminels). Mais parce que les auteurs savaient que le « droit à la vie » peut être utilisé abusivement pour imposer toutes sortes de lois tyranniques, ils insistent à nouveau, dans le même souffle, sur la liberté : « La liberté de la personne est inviolable ». Des hommes sages ! Bien sûr, il peut – et il doit – y avoir des limites légales, mais je pense que l’esprit de cette loi est très claire.

Tout cela signifie, bien sûr, que le « droit à la vie » ne peut en aucun cas être considéré comme absolu. « Chaque vie compte ! » n’est pas un argument valable selon notre constitution.. Non, dans la loi allemande, la dignité de chaque être humain compte. Un « morceau de viande administré » n’a aucune dignité et donc aucun droit, pas même le droit de vivre. Donc sans dignité, aucun droit. En clair, l’événement de la mort n’est pas et ne pourra jamais être l’objectif le plus important de l’État.

On peut voir de quelle façon la Cour constitutionnelle allemande (notre plus haute juridiction) applique ces lois quand on examine un célèbre verdict de 2006 qui annule une loi autorisant à abattre les avions de ligne détournés par des terroristes. Les juges statuent :

Les passagers et les membres d’équipage exposés à une telle opération sont dans une situation désespérée. Ils ne peuvent plus influencer leurs conditions de vie indépendamment des autres, de manière autodéterminée. Cela fait d’eux les objets [des terroristes], mais pas seulement : même l’État, qui dans une telle situation a recours aux mesures défensives de l’article 14 (3) de la LuftSiG, les traite comme de simples objets de ses opérations de sauvetage pour la protection d’autrui. Un tel traitement fait fi du statut des victimes en tant que sujets possédant une dignité et des droits inaliénables. En utilisant leur mise à mort comme moyen de sauver d’autres personnes, ils sont considérés comme des objets et en même temps privés de leurs droits ; en disposant unilatéralement de leur vie au nom de l’État, on conteste à ces victimes, qui ont elle-mêmes besoin de protection, la valeur qui revient à l’homme . En outre, cela se produit dans des circonstances qui ne nous permettent pas d’espérer que la situation réelle puisse toujours être pleinement comprise et correctement évaluée au moment où une décision doit être prise quant à la mise en œuvre d’une mesure opérationnelle conformément à l’article 14 para. 3 de la LuftSiG.

Un texte d’introduction évoque en ces termes le contexte de cette soi-disant « formule de l’objet » :

Selon l’interprétation de la Cour constitutionnelle fédérale, la dignité humaine donne lieu au droit de chaque être humain d’être traité dans toutes les procédures de l’État toujours comme un sujet et jamais comme un simple objet.

Les normes éthiques et juridiques qui s’imposent au législateur selon cette « formule de l’objet » ont été décrites pour la dernière fois par la Cour constitutionnelle fédérale en février 2006, dans son arrêt relatif à la loi sur la sûreté aérienne : fondée sur l’idée du législateur fondamental selon laquelle il est dans la nature de l’humanité de s’autodéterminer en toute liberté et de s’épanouir librement, et que l’individu peut exiger d’être reconnu en principe comme un membre égal doté d’une valeur intrinsèque dans la communauté, cette loi exclut de manière générale l’obligation de respecter et de protéger la dignité humaine, faisant de l’homme un simple objet de l’État. Ainsi, tout traitement des êtres humains par les autorités publiques qui remet fondamentalement en cause leur qualité de sujets, leur statut de sujets de droit, est absolument interdit.

Comme vous pouvez le voir, tant la constitution allemande que, par conséquent, les tribunaux, suivent une approche kantienne et sont même prêts à sacrifier des vies pour protéger la valeur fondamentale de l’être humain en tant qu’agent libre. La cour rejette explicitement la méthode purement utilitariste de « comptage des morts », d’autant plus que nous ne pouvons jamais être sûrs à 100% de l’issue d’une situation donnée. Et pourtant, un tel utilitarisme a été immédiatement et presque mondialement appliqué aux mesures prises par les gouvernements en réponse au « Corona ». D’ailleurs, la Cour constitutionnelle allemande a récemment statué que les manifestations ne pouvaient être interdites même en période de Corona. Juridiquement, au moins, les Allemands ont appris une chose ou deux de leur expérience nazie. Reste à savoir si cela suffira pour empêcher que l’Histoire ne se répète.

Quelles que soient les retombées juridiques de cette crise, ceux d’entre nous qui perçoivent instinctivement un autre niveau, un niveau qui a trait à des positions philosophiques et métaphysiques fondamentales, doivent réapprendre notre langage, face aux sophismes dont nous sommes bombardés 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Nous devons mettre notre histoire au clair – une histoire que les gens considéraient comme allant de soi dans le passé, mais que nous devons apprendre à défendre de nos jours. C’est l’histoire d’un monde au-delà des calculs simplistes, des manipulations moralisatrices et de la culpabilisation, qui sont autant d’insultes cruelles à nos valeurs les plus profondes. Un monde qui va au-delà des simples apparences et de la physicalité, un monde ancré dans le monde kantien de l’esprit et de la raison. Nous qui voyons le monde sous un autre jour, restons-lui fidèles, et ne cédons pas un pouce de notre espace sacré aux trolls et autres donneurs de leçons.

Article initialement publié en anglais le 08 mai 2020.

Source: Lire l'article complet de Signes des Temps (SOTT)

À propos de l'auteur Signes des Temps (SOTT)

« Un combat quotidien contre la subjectivité. » « Le Monde pour les gens qui réfléchissent ! »Signs of the Times ou SOTT.net a été lancé le 26 mars 2002.SOTT.net est un projet de recherche sans but lucratif du Quantum Future Group (QFG). Le projet comprend la collecte, la mise en forme et l'analyse des sujets d'actualité qui semblent le mieux refléter les 'énergies' sur la planète. De surcroît, cette recherche note si les êtres humains, individuellement ou collectivement, peuvent réellement se souvenir d'un jour à l'autre de l'état de la planète et s'ils sont capables de lire précisément cette information et prendre des décisions intelligentes sur leur avenir, fondées sur cette connaissance. En bref, SOTT.net est une expérience.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You