Faire son ménage du tout le temps

Faire son ménage du tout le temps

Entre ma fin de session et la fin de la COVID-19, le ménage du printemps est venu faire son tour par chez moi. Il faut bien tuer le temps, où le laisser revivre…

Donc, j’ai fait le ménage. Après, je suis passée par le lavage. Puis encore le ménage. Mon appartement est devenu la terre des quêtes qui habitent mon cœur, confinement ou pas.

La salle de bain au grand complet, la vaisselle, le salon, l’intérieur de mes 3000 paires de souliers (je ne savais pas que j’en avais autant ! Pourquoi ne pas faire un petit don à la Saint-Vincent-de-Paul ?), le fond de ce racoin bizarre où on ne va jamais et dont on ne comprend pas l’utilité, le placard du bout du monde et son fouillis oublié. 

J’ai fait mon ménage du printemps de long en large, ayant ce bouillonnement de propre et d’ordre qui montait en moi… Jusqu’à ce que je réalise qu’en fait, je faisais mon ménage du « tout le temps »…

« Car c’est à toi qu’appartiennent… »

À chaque chaussette étendue, je me disais : « Pourquoi ? »

À chaque armoire dépoussiérée, je m’entendais dire : « C’est comme ça… »

À chaque robe rangée, je murmurais des : « Mon Dieu, que je l’ai aimé. »

Entre deux pièces, dans le bruit tonitruant de l’aspirateur, j’ai même versé quelques larmes.

Du fond de chaque paire de souliers, je laissais monter un « Pardon ». 

À chaque facture classée, à chaque pièce de monnaie retrouvée, je lui disais : « Merci de n’avoir jamais manqué. »

À chaque livre remis à sa place dans la bibliothèque je me suis dit : « À Dieu ».

Non pas adieu, mais « à Dieu ». Que tout cela retourne à sa juste place, dans les mains de celui à qui tout appartient ; le règne, la puissance et la gloire, mais tout le reste aussi.

À Dieu la haine pour telle personne

À Dieu mes embrouilles 

À Dieu les trahisons des gens que j’aimais tant

À Dieu ces liens précieux qui se sont effrités, abimés

À Dieu la jalousie qui fait mal et détruit tout

À Dieu ma peur de rater

À Dieu ma peur du regard des autres sur moi

À Dieu ma peur de la mort

À Dieu ma peur de toute !

À Dieu mes erreurs et mes failles

Mes envies insatiables d’amour et de reconnaissance

À Dieu mes dépendances et mes arrogances

Pardon d’avoir « voulu posséder, sans attendre le don »

À Dieu les regards pesants qui m’ont fait tellement de peine

À Dieu les déceptions profondes envers des gens ou la vie

À Dieu ceux qui ne prennent jamais de mes nouvelles

À Dieu ceux qui me manquent douloureusement

À Dieu ceux dont je n’ai pas été le gardien

À Dieu ceux qui ne savent pas dire au revoir

À Dieu les abus de pouvoir, les abus sexuels, lointains ou pas si lointains que ça…

À Dieu les ragots, les commérages, les potins, 

À Dieu ceux qui sèment le désordre 

À Dieu les injustices, les guerres en Syrie, les enfants qui meurent de faim au Yémen, les catastrophes climatiques qui m’angoissent

À Dieu ces situations qui me dépassent, me font sentir tellement petite et impuissante

À Dieu mes désenchantements sur Jean Vanier et tant d’autres

À Dieu mes déceptions de l’Église, des gens dans l’Église, parfois…

À Dieu mes désirs malsains, mon orgueil, mon égoïsme, là où ça fait mal

À Dieu tous ceux qui font semblant, à Dieu toutes leurs blessures et leur histoire

À Dieu mes peines de cœur, d’amour et d’amitié

À Dieu les divorces déchirants et tout ce qui se casse nous laissant béats

À Dieu les mesquineries de ceux que nous croyions vouloir notre bien 

À Dieu les ratées de certaines communautés, les scandales

À Dieu les jeunes qui cherchent le sens de leur vie

À Dieu les moines et moniales, les prêtres et ceux qui n’ont pas toujours su soutenir le peuple qui souffre, les familles 

À Dieu ceux qui vivent dans une image ou qui manquent d’audace

À Dieu les coups de gueule de l’État, ce qu’on ne contrôle plus dans nos sociétés et qui nous peine, l’« amour » de la mort et son contrôle — parce qu’on en a trop peur.

À Dieu…

Pas pour naïvement faire semblant d’oublier,

Pas non plus pour laisser mon cœur s’endurcir en me disant que ça ne me dérange pas, alors qu’il y a parfois tant de colère en moi,

Surtout pas pour juger en retour et condamner, lancer la première pierre…

Non. J’ai juste tout remis en ordre, à sa place. Les blessures, les joies, les trahisons.

Je laisse derrière moi le manteau du chagrin et de la déception ainsi que les désillusions de mes 20 ans, des gens…

Ils ont leur croix, j’ai et j’aurai la mienne.

Pour que tout ne s’embrouille pas et que je n’en vienne pas à oublier la part qui appartient à Dieu, la part qui appartient à l’homme là-dedans. 

Pour que je ne « gâche » pas ma joie de vivre, aveuglée et embourbée dans mon passé, dans mes sombres pensées, alors que devant moi il y a la vie, une vie joyeuse, fraiche, qui n’appartient qu’à mes pas. Une histoire entre seulement Dieu et moi. 

Cette vie, j’ai envie de l’étreindre, comme un jour nouveau, des Pâques dans mon être…

Je fais mon ménage du « tout le temps » pour qu’il y ait de la place pour accueillir le printemps et la nouveauté qui est pleine de la claire promesse d’espérance du Dieu de la vie. 

Amen. 

Épilogue 

Je regarde mes petites plantes faire leurs racines depuis plusieurs semaines dans leur verre d’eau… Aucune terre, juste de l’eau. Elles ont besoin de fraicheur pour pouvoir ensuite pousser dans la terre. Ça me fascine…

Je regarde les abeilles dans le soleil, affairées, débordées même, en train de se démener de tout leur zèle pour organiser la nature, la relancer, lui redonner un élan… Le cours de la vie est bien fait, quand même !

Il y a toujours de nouvelles fleurs.

Et heureusement.

Ça, c’est la tendre et rassurante sagesse de Dieu. 

Bienvenue printemps !

Aujourd’hui, je suis fille de lumière,

Enfant de la résurrection.

À toi, Dieu, ce qui m’échappe et me dépasse.

J’ai fait mon ménage du « tout le temps ».


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